• En ce qui concerne le nombre de suffrages, le Parti populaire (PP) est en tête, mais il a subi une diminution importante du nombre de sièges détenus [123 contre 186 en 2011]. Il est clair qu’il existe une majorité sociale qui veut son départ, qui ne veut pas que le parti de Barcenas [1] et de la Gürtel [2] continue à gouverner. La corruption et la gouvernance en faveur des riches et au détriment des classes laborieuses se paient. C’est la bonne nouvelle: derrière le changement politique et la nouvelle répartition du pouvoir au parlement, il existe une forte contestation sociale.
La moins bonne nouvelle est que le PSOE n’est pas en train de couler. Il a perdu des suffrages et des sièges [110 en 2011, 90 en 2015], mais le fait qu’il résiste marque aussi les limites du processus du changement: sans mobilisation il est difficile de continuer à éroder la présence du PSOE. Or, il ne faut pas que la nécessité de déboulonner le PP se traduise, a contrario, par une légitimation du PSOE, c’est-à-dire une «gauche» qui applique des politiques néolibérales, qui a toujours gouverné en faveur des élites. C’est là notre défi.
Le phénomène Ciudadanos (C’s) s’est révélé être moins important que prévu. Le fait qu’il n’occupe que la quatrième place en termes de suffrages rappelle que les gens préfèrent l’original (PP) à la copie (C’s) et que dans un contexte de polarisation politique, le centre a de sérieuses difficultés à se développer. Son programme, issu de la Fondation pour l’analyse et les études sociales (FAES) et des laboratoires néolibéraux, n’a pas été capable de s’affirmer comme une alternative au bipartisme PP-PSOE.
• Notre référence électorale – c’est-à-dire Podemos et ses confluents (En Marea, En Comu Podem, Compromis-Podem) – occupe la troisième place en termes électoraux avec un nombre important de votes qui expriment les avancées accumulées au cours de la mobilisation du 15M et lors du cycle précédent de luttes, ainsi que le mécontentement social face aux politiques d’austérité et aux partis de la gauche traditionnelle. Il faut souligner qu’en Catalogne l’écrasante majorité de l’électorat s’est prononcée en faveur du droit à décider.
• Nous avons des raisons de célébrer le résultat, mais il est important de nous préparer, dès maintenant, pour l’avenir, au-delà de la possible danse de pactes et d’alliances [pour former ou non un gouvernement]. Quel que soit le gouvernement, la Troïka (BCE, Commission européenne-Eurogroupe, FMI) voudra davantage de coupes budgétaires, les expulsions vont continuer et les bases du pouvoir du capital sont encore intactes: voilà le combat qui nous attend. C’est donc dans ce but que nous devons nous consolider à la base (avec d’autres camarades, comme les gens de IU-Unidad Popular), sur tous les terrains. Les urnes sont bouclées, mais la lutte de classe se poursuit.
L’instabilité institutionnelle entraînée par ces élections ouvre de nouvelles possibilités. Il en va de même pour les couches sociales sur lesquelles nous pouvons prendre appui et qui peuvent nous soutenir. Mais il faut que le changement politique débouche non pas sur une nouvelle transition [par référence à celle de 1975-1978], mais sur une révolution démocratique qui rende possibles la libre détermination des nationalités et la participation citoyenne à toutes les décisions.
Cela exige d’œuvrer au lancement de nouveaux processus constituants, dans le sens d’une révolution démocratique qui remette en question l’actuelle répartition des richesses, les rapports économiques et ceux de la propriété, qui assure la définition et le contrôle public démocratique des sources d’énergie et des finances. Une révolution démocratique qui aspire à construire une société libre de toute oppression et exploitation.
Célébrons l’avancée électorale, mais préparons-nous à la rupture, continuons le combat.
(Communiqué écrit le 20 décembre 2015 au soir; traduction par A l’Encontre)
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[1] Trésorier du PP jusqu’en 2009. Le quotidien El Pais, en 2013, sur la base de documents, a révélé un financement parallèle ou secret de Mariano Rajoy et du PP, entre autres grâce à des opérations complexes de blanchiment d’argent, dans lesquelles étaient impliquées, selon les affirmations, la banque privée Lombard Odier (Genève) et la filiale de la Dresdner Bank, à Lugano. Le parquet de Genève a ouvert une enquête. Ce fut l’un des nombreux «scandales» de corruption politico-financière. (Réd. A l’Encontre)
[2] L’affaire Gürtel est une affaire politico-financière dont s’est occupé le juge Baltazar Garzon dès 2009. Elle renvoie à un réseau de corruption lié au Parti Populaire. Les liaisons pouvoir-gouvernement-corruption suscitent un fort rejet de la part de la majorité populaire et «illustrent», à leur manière, l’image de ce que Podemos a qualifié de «caste»; un thème développé antérieurement dans des polémiques médiatiques en Italie. (Réd. A l’Encontre)
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