• can_dundarRédacteur en chef du journal Cumhuriyet, détenu dans la prison Silivri d’Istanbul. Par Can Dündar,
    Mardi, 29 Décembre, 2015
    L'Humanité
     
    Emprisonné par le régime turc depuis le 26 novembre, le rédacteur en chef du journal d’opposition Cumhuriyet nous écrit de sa cellule.

    À l’Humanité.

    Isolé dans ma cellule, en taule, je lis la biographie de Frédéric Joliot-Curie (physicien communiste – NDLR)… Il vivait dans les années où toute l’Europe faisait face au fascisme. En tant qu’homme de science, en tant qu’intellectuel, il avait écrit : «M’enfermer dans mon laboratoire a été toujours séduisant pour moi. Mais je me demandais en même temps, qui peut avoir intérêt à mes découvertes ? J’avais donc compris, en travaillant tranquillement dans mon coin, qu’il fallait que la science ne puisse pas servir des buts sales, les préparatifs de guerre, qu’il fallait qu’elle serve la paix. Dès lors, je devais être dans les rangs de ceux qui luttaient pour la paix (1).»

    En fait, j’ai moi-même été parfois séduit par la pensée de m’enfermer dans ma bibliothèque afin de pouvoir écrire mes livres. Mais cette même prise de conscience qu’a eue Joliot-Curie nous a poussés, moi et mes collègues, vers la lutte dans les rangs démocrates.

    Puis-je laisser mon pays entre les mains d’un régime totalitaire ?

    Pouvons-nous nous enfermer dans nos bureaux, au lieu de travailler sur les dossiers sur lesquels nous avons enquêté, découvrant la corruption du pouvoir, la politique de guerre civile, le trafic d’armes ?

    Parce que nous avons répondu « non » à cette option, et parce que nous avons poursuivi la voie de Frédéric Joliot-Curie, parce que nous avons pris le parti de la paix, parce que nous sommes contre le despotisme et sa censure, nous nous retrouvons en prison et isolés dans nos cellules.

    Par la leçon et l’expérience françaises, nous savons très bien qui gagnera à la fin.

    C’est pour cela que nous résistons avec ténacité et croyance.

    Nous sommes solidaires de tous nos collègues qui, dans les différents coins du monde, luttent pour les mêmes causes.

    Nous croyons que c’est cette solidarité qui peut libérer l’humanité de la haine, de l’oppression et de la guerre.


    votre commentaire
  • Michel Guilloux/ Edito / L'Humanité / 30/12/2015

    « Sauvons Mumia! » Ce cri qui a résonné aux quatre coins du monde depuis trente-cinq ans a permis d'empêcher l'assassinat légal du journaliste afro-américain. Mumia Abu-Jamal, on ne le répétera jamais assez, clame son innocence depuis le procès raciste et tronqué qui l'a condamné sans preuve en 1982. Le vaste mouvement international de solidarité s'est dressé contre ceux qui, à l'instar du «juge» de l'époque, déclaraient: «Je vais les aider à frire ce Nègre.» Ayant perdu sur le terrain de la peine de mort légale, les mêmes veulent prendre leur revanche sur celui de la santé.

    Mumia Abu-Jamal Artbribus-ADAGP-Mustapha Boutadjine

    Gravement malade, il se voit refuser les soins auxquels il a droit. Plus condamné à mort mais «condamné à mourir» en somme. Il aura fallu une nouvelle mobilisation et un appel, autour du directeur de l'Humanité et député européen, Patrick Le Hyaric, d'une centaine d'élus nationaux et européens de toutes sensibilités pour arracher une audience devant statuer sur cette situation insupportable. Eh bien, l'administration pénitentiaire est allée jusqu'à falsifier les documents qu'elle présentait aux juges! Cette nouvelle forfaiture démontre un acharnement monstrueux et à quel point la vie de Mumia ne tient qu'au prix de sa volonté et de la force de la campagne de soutien qui ne doit pas relâcher sa vigilance. Le nouveau gouverneur, démocrate, de l'état de Pennsylvanie est allé contre les racistes, désavoués aussi au niveau fédéral sur certains points.

    Ailleurs, de Jefferson à Chicago, le permis de tuer auquel se croient autorisés des porteurs d'uniformes, qu'ils souillent, fait des morts tous les jours, ici un enfant, là un jeune homme, ailleurs une mère de famille.

    Leur crime? Avoir la peau noire. Le fait nouveau est que, désormais, l'insupportable n'est plus nié mais suscite de plus en plus de réactions. C'est, là aussi, une voie salutaire. Nous qui constatons combien le venin colonial agit et est utilisé de ce côté-ci de la Méditerranée ne pouvons qu'être avec ceux qui veulent éradiquer les surgeons de l'esclavagisme de ce côté-là de l'Atlantique.


    votre commentaire
  • THOMAS LEMAHIEU/ L’Humanité / 30/12/2015

    Recep Tayyip Erdogan n'en rate décidément pas une. Hier matin, à l'aéroport d'Istanbul, en partance pour une visite en Arabie saoudite, le président turc s'en est une fois de plus pris vertement au coprésident de la formation de gauche pro-kurde (Parti démocratique des peuples, HDP), Selahattin Demirtas, accusé de félonie après qu'il a évoqué dimanche dernier l'autonomie comme perspective possible pour le Kurdistan turc.

    erdogan-branding-kurds

    En vérité, le leader de l'opposition de gauche au régime islamo-conservateur a simplement déclaré que les Kurdes de Turquie devaient décider s'ils voulaient vivre en autonomie ou « sous la tyrannie d'un homme ». Mais pour Erdogan, cette position est insupportable: « Ce que ce coprésident (du HDP ­ NDLR) a fait constitue une trahison, une provocation très claire », vocifère-t-il. Avant d'ajouter: « De quel droit pouvez-vous parler dans le cadre de notre structure unitaire d'établir un État dans le sud-est, dans l'est?

    Ni la volonté nationale, ni les forces armées ne le permettront. » La justice turque a ouvert une enquête à l'encontre de Selahattin Demirtas, accusé de crimes « contre la Constitution et son fonctionnement ».

    Alors que le régime a engagé une opération militaire d'une ampleur inédite, avec près de 10000 militaires dans les villes du sud-est de l'Anatolie, Erdogan ne veut rien entendre.

    Les combats contre les militants du PKK font de nombreuses victimes civiles: 129 selon le HDP . Les médias indépendants turcs décrivent des scènes de guerre dans la vieille ville de Diyarbakir, avec des habitants privés d'eau, d'électricité et d'accès aux soins. Dans ce contexte de violences extrêmes, le HDP dénonce les couvre-feux imposés dans toutes les villes kurdes de Turquie.

    « On ne permet même pas à la population d'enterrer ses morts, accuse Figen Yüksekdag, l'autre coprésidente du HDP au Parlement. L'État fait la guerre à son peuple. »


    votre commentaire
  • Des membres du bataillon ukrainien néonazi Azov et leurs sympathisants ultranationalistes ont mené une marche aux flambeaux dans le centre-ville de Marioupol, à l’est du pays, scandant le slogan «Nous sommes à vos trousses».

    Flambeaux nazis

    Le rassemblement nommé par ses organisateurs «Marche Khorobrikh» (marche des braves), a été organisé pour célébrer l’érection d’un monument consacré au prince kiévien du Xème siècle, Sviatoslav.

    L’argent pour la création et l’érection du monument est présenté par les militants comme un «cadeau» à la ville, collecté auprès des Ukrainiens par les combattants d’Azov. Cependant, son érection au centre de Marioupol n’a pas été convenue avec les autorités de la ville, et est de ce fait considérée illégale.

    «S’ils [les autorités ou d’autres] souhaitent démolir le monument, nous leur souhaitons bonne chance», a déclaré Biletski ajoutant que la statue serait gardée par des combattants d’Azov.

    Il a également noté que la statue ne serait pas la seule, car il est prévu que des monuments dédiés à d’autres figures éminentes de l’Ukraine soient érigés dans la ville.

    La déclaration publiée par le service de presse du bataillon Azov à l’occasion de l’érection du monument à Sviatoslav fait l’éloge de la politique agressive des dirigeants du Xème siècle affirmant par exemple : «l’Ukraine à cette époque-là [était] crainte et respectée par ses ennemis, faisant apparemment référence à l’ancien Etat slave de Russie kiévienne.

    Le slogan de la manifestation a été emprunté aux discours du prince Sviatoslav qui prévenait tous ses ennemis par cette devise avant les attaquer. Le «slogan légendaire» est plus important que jamais, ont déclaré les organisateurs, appelant la jeune génération à dire «Nous sommes à vos trousses» à tout ce qui tue l’Ukraine : «ennemis, corruption, séparatisme, Russie».

    Ce qu’il faut savoir sur le bataillon Azov

    Le bataillon Azov a été créé en 2014 par l’historien Andreï Biletski, un militant populiste et nationaliste, qui qualifie son idéologie de «nationalisme social». Intégré à la Garde nationale d'Ukraine, le bataillon a participé activement à des offensives militaires de Kiev contre les forces antigouvernementales à l’est du pays et dispose de sa propre artillerie lourde ainsi que de fonds pour son financement.

    Ce groupe fait toujours l’objet de polémiques. En décembre 2014, dans un rapport de l’ONU, il a été accusé de violation des droits de l’Homme, ainsi que de pillage et de détention arbitraire. Début juin dernier, le Congrès américain a décidé de bloquer toute fourniture d’aide à ce bataillon le qualifiant de «groupuscule néonazi».


    votre commentaire
  •   La COP21 a terminé son cinéma, Tisa déréglemente à tout-va l'énergie et les transport
      La COP21 a terminé son cinéma, Tisa déréglemente à tout-va l'énergie et les transport

    Mediapart

    Sans WikiLeaks, l’accord sur les services en cours de négociation, pendant du traité transatlantique, serait resté totalement secret. WikiLeaks, en partenariat avec Mediapart et 12 autres médias et organisations internationaux, publie de nouveaux documents relatifs à l’énergie et aux transports routiers. La révélation de ces documents, en pleine COP21, est un exemple édifiant du double discours.

    Résultat de recherche d'images pour "TISA Images"

    Rien ne change ! En dépit des crises financière et environnementale, illustrant des échecs patents, malgré les critiques venues aussi bien de personnalités politiques, d’associations, de la société civile, ils n’en démordent pas : la déréglementation de tout reste leur horizon indépassable. C’est ce qui transparaît des nouveaux documents révélés par WikiLeaks sur l’accord en cours de négociation sur les services (Trade in services agreement ou Tisa) publiés en partenariat par Mediapart et 12 autres médias et organisations internationaux. Les « très bons amis des services », comme ils se surnomment entre eux, continuent leurs discussions souterraines pour pousser toujours plus loin l’abaissement des normes et des droits sociaux et environnementaux, l’affaiblissement des États, face à la puissance de l’argent. 

    Résultat de recherche d'images pour "TISA Images"

    Sans WikiLeaks, Tisa serait resté un nom inconnu. Personne n’aurait rien su des négociations souterraines de ce traité qui se veut le pendant du traité commercial transatlantique (Tafta ou Ttip), discuté dans les mêmes conditions d’opacité. Les parlementaires auraient découvert un jour un traité qu’ils sont censés approuver d’un bloc, sans possibilité d’amendement ou de discussion. Ils n’auraient même pas pu avoir accès aux travaux et documents de travail qui sont en train de servir à l’élaboration du texte : tout est censé rester classé « secret défense » ou plus exactement « secret affaires » pendant cinq ans après l’adoption du traité.

    En juin 2014, WikiLeaks avait révélé le contenu des négociations secrètes menées par des responsables issus d’une vingtaine de pays, emmenés par les États-Unis, l’Europe, l’Australie et le Canada, sur les services financiers. Depuis, le site dévoile régulièrement les différentes étapes des discussions, portant sur d’autres chapitres comme les services informatiques, les transports maritimes, les télécommunications. En juillet 2015, de nouveaux documents démontraient la volonté de mettre à bas tous les services publics. Aujourd’hui, WikiLeaks dévoile les avant-projets portant sur l’énergie et les transports négociés à l’automne 2014.

    La révélation de ces documents, en pleine COP21, est un exemple édifiant du double discours. Alors que les dirigeants politiques de tous les pays soutiennent en chœur la nécessité d’adopter une croissance « verte », de lutter contre le réchauffement climatique, d’autres responsables des mêmes pays négocient en coulisses pour tenter d’arracher le plus possible de concessions, pour dynamiter les règles environnementales« contraires à la grande libéralisation des affaires ». L'association Public services international (internationale des services publics), qui travaille en commun avec WikiLeaks sur Tisa, n'a pas manqué de relever cette duplicité. « Alors que les chefs d'État s'apprêtent à signer un accord international à Paris contre le réchauffement climatique, leurs négociateurs se retrouvent à Genève pour élaborer secrètement un nouvel accord commercial qui permettra d'étendre l'exploration des énergies fossiles et causera encore plus de dommages pour le climat », indique-t-elle dans un communiqué publié en même temps que les documents de WikiLeaks. 

    Car c’est bien de « big business » qu’il s’agit. À la lecture du projet Tisa, visant à mettre à bas toutes les barrières réglementaires et autres dans les services à l’énergie, le texte semble plus écrit pour des géants comme Bechtel, Halliburton, Schlumberger, Veolia ou Engie (ex-GDF-Suez) que pour des sociétés innovantes apportant des prestations de services dans les énergies renouvelables.

    La Norvège et l'Islande ne s’y sont pas trompées. Les deux pays, très impliqués dans l’énergie et la transition énergétiques, ont fait une proposition commune dans le cadre de ces négociations secrètes. Publiée par WikiLeaks, celle-ci révèle en creux le projet général des négociations : un abandon total de la souveraineté des États en matière d’énergie pour laisser la place aux « spécialistes », les géants du secteur.

    Tout en plaidant pour la levée des barrières s’opposant à une plus grande compétition dans les services, les deux pays insistent sur le fait « que chaque partie [on ne parle plus d’État dans les textes d’étude de Tisa – ndlr] conserve le droit de réguler et d’introduire ou de maintenir des mesures concernant les services à l’énergie afin de répondre aux objectifs légitimes de politique nationale ». Une limitation des pouvoirs des États en ce domaine aurait-elle donc été envisagée, pour que les deux États éprouvent le besoin de rappeler ces droits ? 

    L’explication fournie par les deux pays dans un argumentaire venant compléter leur projet et publié aussi par WikiLeaks laisse soupçonner le pire : « Le droit des parties de réguler les services et d’introduire de nouvelles régulations pour répondre à des objectifs politiques nationaux est particulièrement pertinent en matière de services à l’énergie », expliquent les deux pays.

    Repris par : http://canempechepasnicolas.over-blog.com/2015/12/la-cop21-a-termine-son-cinema-tisa-dereglemente-a-tout-va-l-energie-et-les-transport


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique