• CQFD – LE CODE QU’IL FAUT DÉFENDRE !

    La construction du Code du travail en France est issue d’un siècle entier de grèves et de négociations. Les lois et les conventions internationales concernant les durées légales, le smic, les conditions de travail, les institutions représentatives du personnel, la santé, l’hygiène, la sécurité, et les droits attachés aux licenciements sont le fruit des combats passés. Il en est de même de la construction du statut de la fonction publique.

    A peine les lois Macron et Rebsamen votées, le gouvernement compte engager, en suivant les préconisations du rapport Combrexelle, une réforme qui peut changer la nature du Code du Travail et transformer la fonction de la négociation collective. La volonté affichée de simplification dissimule un projet de déréglementation qui vise à affaiblir les droits des salarié-es en élargissant les possibilités pour la négociation d’entreprises de déroger au code du travail en défaveur des salarié-es.

    code2Analyse des 61 mesures du rapport Badinter :

    http://cqfd-lesite.fr/analyse.php

     

    Ne nous y trompons pas. L’ensemble des salarié-es est visé. Le Premier ministre préconise le même breuvage pour la fonction publique : « il faudrait un rapport Combrexelle pour la fonction publique ». D’ores et déjà un agent sur cinq est soumis au système du contrat. Et Macron affirme que le statut des fonctionnaires n’est plus ni « adéquat » ni « justifiable ».

    En réalité le droit du travail n’a jamais été aussi complexe que depuis que se sont multipliées les dérogations à la loi en faveur du patronat. Le but du Medef et du gouvernement n’est pas de simplifier le droit du travail. Il est de mettre en cause la légitimité de la loi, de liquider définitivement le principe de faveur, qui prévoit que les accords d’entreprises ne peuvent déroger aux accords de branche ou au code du travail que s’ils sont plus favorables aux salariés. Le but est de mettre la négociation collective au service de la compétitivité et des employeurs et d’aboutir à un code du travail facultatif pour sa plus grande partie. Le rapport Combrexelle va même jusqu’à prévoir qu’un accord collectif puisse primer sur « l’intérêt individuel » du salarié-e concrétisé par son contrat de travail. Sont donc remis en cause par ces propositions tant les acquis collectifs des salarié-es que les avantages individuels des contrats de travail.

    Le respect des droits des salarié-es est un choix politique qui concerne toute la société, il doit donc faire l’objet de décisions s’appliquant à toutes les entreprises. La négociation collective est nécessaire pour prendre en compte les situations diverses. Elle doit rester un complément au service des salarié-es et non pas se substituer à la loi. Le droit du travail, hélas, est le moins enseigné, le moins connu, le plus dénigré, le plus fraudé, alors qu’il est le plus essentiel, le plus vital pour 18 millions de salarié-es. Réduire les droits des salarié-es, c’est aussi par contre coup s’attaquer aux chômeurs-euses, aux retraité-es, aux jeunes qui débutent une activité professionnelle.

    La justification première du droit du travail, contrebalancer le pouvoir patronal, reste plus que jamais d’actualité. Face aux tenants d’une simplification du droit du travail au travers d’un droit avec le moins possible de lois, de juges, de sanctions, nous défendons un droit du travail avec davantage de droits pour tous et toutes les salarié-es, leurs représentant-es, les Comités d’entreprise (CE), les Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), des médecins du travail non soumis au patronat, et davantage d’inspecteurs-trices du travail avec une garantie d’indépendance. Nous voulons un droit du travail plus accessible, plus effectif, avec un accès au juge facilité, des sanctions réelles et rapides des violations aux règles qu’il prévoit.

    Nous refusons tout ce qui renforce la soumission des salarié-es à l’exploitation patronale. Ensemble, nous appelons à faire campagne contre les projets annoncés par le gouvernement, visant à réduire et à subordonner les droits des salariés aux exigences des entreprises. Nous appelons à expliquer, à mobiliser, à empêcher par toutes actions utiles, que le patronat et le gouvernement liquident un siècle de combats. Pour un droit du travail protecteur des salarié-es ! Que le progrès social l’emporte au travail, pas l’exploitation féroce !

    Vous trouverez les signatures :

    CQFD – signatures des « personnalité-e-s », CQFD – signatures syndicales, CQFD – signatures associatifs, CQFD – signatures politiques ...

    Sur le site : http://cqfd-lesite.fr/

     

    Et vous pourrez signer, aussi !


    votre commentaire
  • "Les Jeannette" : c’est l’histoire d’un combat pour conserver le patrimoine normand : la petite madeleine Jeannette.

    En liquidation judiciaire, l’usine à gâteaux de Caen a été  occupée pendant des mois par ses 25 derniers ouvriers : Christian, Marie-Claire, Joël, Françoise, Catherine et les autres. La madeleine Jeannette, c’est un goût mythique et une recette secrète. Depuis 1850, elle a fait fondre tous les amateurs de goûter, lorsque le thé s’accompagne d’une petite douceur. Derrière la renommée internationale, une histoire de réussite industrielle, de patrons passionnés d’innovation, proches des ouvriers : Lucien Jeannette puis les frères Vinchon.

    Mais aussi des mutations violentes, le rachat de la biscuiterie par de grands groupes, quatre dépôts de bilan, et le cinquième fin 2013. Pourtant, avec Jeannette, la bataille n’est jamais finie…. Après leur licenciement, les ouvriers ont empêché la vente aux enchères des machines. Ils ont même redémarré les fours pour plusieurs milliers de madeleines, vendues à la porte de l’usine en quelques heures à peine. Le succès est là. Un repreneur… c’est ce qu’ils espèrent.

    Voir la VIDEO :

    L'austérité tue

    http://www.cultureetnature.com/component/allvideoshare/video/les-jeannettes-au-combat

    Enfin, deux ans après sa liquidation à Caen la biscuiterie Jeannette renaît doucement de ses cendres avec une production de madeleines désormais "artisanale" réalisée par 18 salariés dont 13 avaient participé (Avec la CGT)  à l'occupation pendant presque un an de leur ancienne usine pour défendre leur emploi.

    "On a eu très chaud mais là c'est que du bonheur, on a du travail et il est plus intéressant car tout est manuel, alors qu'avant tout était automatique", résume Rosa, 60 ans, une des 34 Jeannette licenciées en janvier 2014, visiblement comblée par le nouveau site flambant neuf ouvert en mai, où domine l'alléchante odeur des gâteaux.

    CALVADOS, Ex- BISCUITERIE JEANNETTE, les travailleurs relaxés-Communiqué UL CGT Caen

    PHOTO : CALVADOS : Ex- BISCUITERIE JEANNETTE: les travailleurs relaxés [Communiqué UL CGT Caen] - Réveil Communiste

    Son sourire contraste avec le souvenir de son visage tendu un an plus tôt alors qu'elle comparaissait avec quatre autres ex-salariés pour l'occupation de l'ancienne usine Jeannette. Le propriétaire leur réclamait 128.000 euros en tout. Il n'a obtenu que leur départ.

    Une vingtaine des salariés licenciés se sont relayés nuit et jour entre février 2014 et janvier 2015 pour occuper leur ancien site et "sauver Jeannette". Au printemps 2014, après avoir tenu tête aux huissiers venus saisir les machines puis couper le gaz, ils ont produit plusieurs fournées de gâteaux que les Caennais se sont arrachés sur le marché.

    Leur succès a fini par attirer des repreneurs et la marque a été attribuée en novembre 2014 par la justice à un ancien cadre de Suez, Georges Viana. Mais ce dernier n'a dû son salut qu'à la réussite exceptionnelle en septembre d'une opération de financement participatif, car aucune banque ne lui avait encore accordé de prêt lorsqu'il s'est présenté devant les juges.

    Aujourd'hui, après deux ans de "parcours du combattant", le repreneur a tenu ses promesses : les madeleines sont en vente depuis septembre et Jeannette emploie 18 personnes quand M. Viana promettait une quinzaine d'emplois au départ. 13 font partie des licenciés de l'ancienne biscuiterie qui employait 400 personnes dans les années 70.

    Jeannette au combat

    "Rien n'est gagné, on sort seulement de terre. On se bat comme on l'a toujours fait", tempère Marie-Claire Marie, chef de fabrication et 40 ans de maison. Et ce, même si les salariés ont au passage perdu leur ancienneté sur la feuille de paie.

    "Tout n'est pas rose", confirme Georges Viana. "On a des demandes de beaucoup de magasins y compris de la grande distribution, mais on commence tout juste à fournir une quinzaine de boutiques, parce qu'on n'a pas encore l'argent pour acheter le matériel pour produire plus. C'est très frustrant", explique le patron de l'entreprise.

    "L'atelier", qui ne produit que 500 à 600 kg par jour, espère passer à une tonne en avril pour un total de 250 tonnes en 2016 et 750 tonnes en 2020, quand l'ancienne usine en sortait 2.700 tonnes par an.

    En attendant, les Jeannette sont invité(e)s à raconter leur épopée à l'Assemblée nationale le 16 février. Elles le méritent ! leur combat a été exemplaire ...

    Une suggestion : recevoir aussi les salariés de Goodyear qui se sont battus des années pour leurs emplois, et qu’on a abandonnés, puis réprimés, jusqu’à jeter en prison les meilleurs d’entre eux. Les combats de la CGT dans les deux entreprises avaient le même objectif : sauver l’emploi. Les huit de Goodyear ne doivent pas être incarcérés !

    SOURCE : http://actu.orange.fr/france/les-madeleines-jeannette-renaissent-doucement-de-leur-cendres-


    votre commentaire
  • 30 janv. 2016 | Par Mathilde Goanec- Mediapart.fr

    Il n'y a pas que les taxis dans la vie ! À des degrés divers, des centaines de milliers d'actifs participent à une forme d'économie ubérisée. Certains le vivent comme une opportunité professionnelle, d'autres comme un véritable asservissement. Cinq portraits pour illustrer les ambiguïtés de l'économie collaborative, les dessous de l'ubérisation, la secousse que subit le salariat.

    dlabor_0

    Margot loue son appartement pour écrire, Jérôme se bat pour son métier de livreur à vélo, Medhi s'épuise chez Uber, William tente une nouvelle vie et Dominique joue à saute-CDI. Tous utilisent les plateformes d'intermédiation en ligne pour vivre, compléter leurs revenus ou s'assurer d'avoir un coup d'avance, pression du chômage oblige. Ils sont le plus souvent autoentrepreneur par obligation,un statut qui pourrait être encore assoupli dans la future loi El Khomri, et qui concerne environ un million d'actifs.  

    Lire la suite :https://www.mediapart.fr/journal/france/300116/le-travail-uberise-par-ceux-qui-le-vivent

    Ou bien en PDF : le travail ubérisé ceux qui le vivent

    Photo / Le prolétariat du web accède à la conscience de classe et lance sa première action collective pour améliorer ses conditions de travail | Slate.fr


    votre commentaire
  • <header>

    Chomeurs a vos poches

    A quelques semaines des négociations sur la convention d’assurance chômage, et le jour même où François Hollande présentait son plan pour l’emploi, la Cour des Comptes a dévoilé ses recettes pour combler le déficit du régime d’assurance chômage. Au menu : baissedu taux de remplacement (montant de l’allocation par rapport au dernier salaire, réduction de la durée d’indemnisation pourles chômeurs âgés et pour l’ensemble des demandeurs d’emploi.....). Le montant estimé du déficit est de 30 milliards fin 2016, 35 milliards en 2018. Juste le même montant que le CICE (crédit d’impôt compétitivité emploi) dont on sait qu’il a servi, pour l’essentiel, à nourrir les dividendes et autres spéculations. Ce chiffre-là, la Cour des Comptes ne le voit pas. Comme beaucoup d’autres.Au moment où le Président de la République présentait son énième plan pour l’emploi, la Cour des Comptes dévoilait,pour appuyer les propos de celui-ci, quelques-unes de ses propositions afin de réduire le déficit de l’assurance chômage.

    Pas de réelle surprise. Dans le viseur, l’indemnisation des chômeurs jugée trop longue, trop élevée, trop coûteuse, qu’il convient de diminuer.

    Après le coût du travail, le coût du chômage !

    Et de comparer, pour bien prouver la solidité de ses arguments,la situation des chômeurs d’autres pays européens loin de bénéficier d’autant de largesses que leurs homologues français.

    Cette attaque n’est pas nouvelle. Elle revient régulièrement avant chaque mauvais coup porté au monde du travail et chaque renégociation de la convention d’assurance chômage. Pour le coup, la Cour des Comptes joue tout de même petit bras ! Sûr qu’en cherchant bien, elle trouverait des pays, en dehors de l’Europe, où le chômage est encore moins indemnisé, voire pas du tout ! Pourquoi se gêner ? C’est bien connu, il y a toujours plus malheureux et plus pauvres que soi ! Plus riches aussi !

    Les privilégiés ne sont pas chez les privés d’emploi 

    Car au moment où le Président de la République présentait son énième plan pour l’emploi et la Cour des Comptes sa proposition de réduire les allocations chômage, OXFAM (ONG spécialisée dans la lutte contre la pauvreté et pour la justice sociale) révélait, elle, dans son rapport annuel, que les inégalités dans le monde ont atteint, en 2015, des sommets inégalés.

    62 ultra-riches possèdent plus que 3,5 milliards de personnes dans le monde, soit 1760 milliards de dollars (en augmentation de 44% depuis 2010). 1% de la population mondiale détient un patrimoine supérieur à celui des 99 autres.

    Et la France n’est pas en reste. 10 % des plus riches se sont accaparés plus de la moitié de l’augmentation des richesses depuis l’an 2000.

    Curieusement ces chiffres-là, la Cour des Comptes ne les voit pas !

    Pas plus que les 200 milliards d’aides diverses versées aux entreprises dont on attend toujours le bilan de leur utilisation. Pas plus que les 50.5 milliards d’euros de dividendes versés en 2014 aux actionnaires par les sociétés non financières. Pas plus que les 3,49 millions de personnes, sur les 6,13 millions inscrites à Pôle emploi qui ne perçoivent aucune indemnité chômage, et dont on ne peut décidément pas accuser de vider les caisses de l’UNEDIC !

    Étrange aveuglement, bien utile pour faire porter le chapeau aux victimes et exonérer de toute responsabilité ceux qui continuent de s’engraisser.

    Ce ne sont ni le coût du travail, ni le montant des allocations chômage qui sont en cause mais bel et bien des choix économiques et politiques où seuls les intérêts de la finance et de la rente sont encouragés et privilégiés au mépris des salariés, de la création d’emplois donc des chômeurs.

    En 1981, sur 100 euros de richesses créées, 5 allaient la rémunération du capital. C’est 23 euros trente ans plus tard. Voilà la vraie prédation financière à laquelle il faut s’attaquer pour faire reculer le chômage : le coût du capital.

    SOURCE : Chômeurs, à vos poches ! Publié par BLOG-PCF-ARRAS

    </header>

    votre commentaire
  • Les deux billets qui précèdent (lien vers le premier) contestent les discours catastrophistes sur les destructions massives d’emplois que provoqueraient la robotisation et d’autres technologies du même type. Mais il serait stupide de nier que sur certains segments d’activité cet effet destructeur existe et qu’il peut même être massif. Les technophiles (les plus ardents sont ceux qui vendent ces outils) ont un argument : cela soulagerait l’humanité laborieuse des tâches les plus pénibles ou les plus répétitives. Les technophiles de gauche ou écolo ajoutent : cela libère du temps et relativise encore plus la place du travail dans nos vies, sous réserve que le volume réduit de travail qui restera soit équitablement partagé, tout autant que les revenus correspondants.

    Lire : les limites écologiques du productivisme / JEAN  GADREY / Blog Médiapart

    robot-numérique-

    PHOTO : Transformation du travail : le numérique détruit-il massivement des emplois ? | Zevillage

     

    Face à la technophilie, voici un commentaire de mon premier billet dont je remercie l’auteur : « je puis témoigner du cas de mon secteur d’activité : composition de textes, maquette et mise en pages, où la quasi totalité des ouvriers et des artisans sont remplacés par des robots (à savoir par des logiciels, qui sont des robots « immatériels »). Là où il y a dix ou vingt ans il fallait une cinquantaine de personnes pour produire un livre ou un journal (clavistes, maquettistes, monteurs, etc.) il n’en faut plus que trois : un poste de saisie (journaliste pour les articles, robots pour le reste - annonces légales, cours de la bourse, météo et j’en passe), un secrétaire de rédaction qui pilote l’ordinateur/robot et un informaticien pour programmer le dit robot.

    Le résultat c’est bien entendu du chômage, de la perte de sens et une énorme perte de qualité. Le résultat c’est aussi moins de lecture, donc moins de lecteurs, parce que les pages ainsi montées deviennent « dégueulasses » et donc illisibles (ou peu lisibles), donc des entreprises qui ont lourdement investi dans leur propre perte à moyen terme : c’est un système qui se suicide lentement, mais à quel prix humain et civilisationnel… »

    Par contraste, on peut aussi trouver des cas où l’automatisation a constitué un progrès humain et social selon divers critères. Mais si elle avait vraiment contribué à réduire le « sale boulot », ça se saurait. Pratiquement partout, ce « dirty work » (voir sur AlterEcoPlus ce billet : recyclage, économie circulaire: emplois d’avenir ou «sale boulot»?) est aujourd’hui majoritairement effectué par des gens sous-payés, souvent des travailleurs migrants. Les robots, c’est bien trop coûteux pour remplacer cette main-d’œuvre.

    En fait, le plus surprenant avec la résurgence du thème des robots, c’est que tout se passe comme si c’était un phénomène nouveau ou en voie d’accélération subite alors qu’il n’en est rien. Si je me limite aux robots dans la production (principalement industrielle bien que d’autres secteurs soient concernés), leur apparition dans le secteur automobile date des années 1960 ! La diffusion de robots pilotés par des logiciels et dotés de capteurs a débuté dans les années 1980, et la progression des ventes mondiales de robots industriels depuis les années 1990 est vive mais pas explosive : 100.000 en 2000, autour de 200.000 aujourd’hui, en comptant le fait qu’il faut les remplacer car ils ne vivent pas très vieux, 12 ans en moyenne (source). C’est toujours et de loin le secteur automobile qui est en tête des investissements, et c’est toujours et de loin le Japon qui a la plus forte densité de robots dans ce secteur : 150 pour 1000 salariés, contre 110 aux Etats-Unis et 28 en Chine.

    ROBOTS ET ECOLOGIE

    Dans aucun des discours soit très alarmistes (sur l’emploi) soit beaucoup plus optimistes (les robots émancipateurs), je n’ai vu la moindre allusion aux faits suivants : les robots et autres technologies semblables, c’est beaucoup d’énergie, beaucoup de matières premières et de minerais devenant rares, ce qui rendra impossible la généralisation de ces outils non seulement dans l’industrie mais aussi là où on annonce leur avenir radieux : domotique, médecine et chirurgie, transports (pilotage automatique, voiture se dirigeant elle-même…), exploration de l’espace et des mers, etc. Et je ne parle même pas de leur généralisation dans les pays du Sud.

    L’analyse à la fois écologique et économique (du fait du coût croissant de l’énergie et des minerais) du jugement des « performances » des nouvelles technologies existe depuis une dizaine d’années pour l’informatique, les serveurs et les réseaux, qu’il s’agisse de mesurer leur consommation d’énergie, l’empreinte carbone des ordinateurs et de leur usage ou encore celle d’une consultation sur le Net. Les chiffres obtenus impressionnent (autour de 10% de la consommation électrique mondiale) et ils sont en vive croissance : on est à l’opposé du qualificatif « immatériel » souvent utilisé.

    Je n’ai rien trouvé en revanche pour les robots, dont on sait juste qu’ils sont très énergivores. Le point central selon moi est le suivant : la robotisation de la production est la forme extrême de l’industrialisation productiviste et ses impacts écologiques tiennent largement au volume lui aussi croissant des matériaux et ressources transformés. Produire toujours plus avec autant ou moins de travail (les fameux gains de productivité du travail), c’est le plus souvent consommer plus de matières et d’énergie, avec plus de rejets. On se heurte alors forcément à la raréfaction physique et à des coûts croissants à long terme. Le long terme n’est pas la préoccupation des industriels vendeurs et utilisateurs de robots, mais ils finiront par en rencontrer les manifestations.

    Je vais prendre un exemple non industriel avant de conclure. Les robots ont commencé à se diffuser dans l’élevage, en particulier pour la traite. Il ne s’agit plus seulement des trayeuses électriques à l’ancienne, qui supposaient une intervention humaine, mais de vrais robots où les vaches laitières viennent elles-mêmes se positionner : « les salariés trayeurs ont laissé la place à des bras robotisés qui lavent les mamelles, branchent les gobelets et appliquent un produit de trempage après la traite. ». Fort bien, mais dans l’exemple de réussite mis en avant en Australie l’éleveur est « propriétaire de quatre fermes et de 1.350 vaches ». Il s’agit malgré tout de pâturage (dans cet exemple). Il faut très peu de main d’œuvre, au point que « « une personne seule peut facilement gérer un troupeau de 600 vaches le temps d’un week-end ». Belle libération de temps dans l’agriculture…

    Ce n’est pas la seule technique de robot de traite. D’autres, qui existent en France peuvent fonctionner sur des exploitations de taille moyenne, par exemple 50 à 100 bêtes, mais à un coût élevé (140 000 euros à l’achat plus 20 000 euros par an).

    Les articles sur la question ressemblent à des contes de fées, ou à des pub, ce qui est parfois identique. Tout se passe comme s’il n’y avait qu’un modèle d’agriculture viable : à grande ou assez grande échelle. Tout se passe comme si l’élevage des bovins était destiné à croître, comme si la quête de gains de productivité était une finalité indiscutable. Et alors oui, sur cette base, les robots sont sympa.

    Mais, dans ce cas comme pour le commerce (billet précédent), et comme pour certains secteurs industriels, un avenir socialement et écologiquement soutenable est-il du côté des « usines à vendre », des « usines à vaches et à lait », à poulets, à porcs, à tomates, fraises ou maïs, et des gains de productivité à perte de vue ? Est-il du côté de la consommation croissante de viande, de lait, de voitures, de téléphones portables, de tout ?

    Si l’on répond non à ces questions, ce qui est mon cas, on pourrait presque en conclure que la plupart des robots et des automates n’ont pas d’intérêt pour la transition et qu’au contraire ils sont essentiellement des machines à faire de la croissance matérielle et à surexploiter encore plus la nature. Quitte à impulser des recherches et des innovations, il vaudrait mieux les orienter vers des gains de qualité de vie, de travail et de soutenabilité que vers des gains de productivité tous azimuts. Et soumettre le tout à des évaluations citoyennes.

    Qui plus est, cela pourrait contribuer à créer… des millions d’emplois ayant du sens. Car si le productivisme et la robotisation n’ont pas eu comme effet de « supprimer des millions d’emplois », ils ont en revanche empêché de créer beaucoup d’emplois utiles et ayant du sens.

    P.S. Je n’ai pas évoqué les imprimantes 3D, autre grand espoir des rifkiniens de droite et de gauche, mais j’en avais déjà parlé. Je n’ai pas non plus envisagé le thème des « robots écolo » : des robots pour traiter le cœur de Fukushima, ou, sur un mode humoristique, pour remplacer les abeilles (une bonne campagne de Greenpeace) ou la « robotique au service de l’agro-écologie», ou mieux encore « Comment les robots écolos vont sauver la planète »… Je suis très sceptique dans ces deux derniers cas aussi, mais ça n’a guère de rapport avec le thème central de ces trois billets et il faut bien que j’arrête ma prose.


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique