-
Marie Barbier / Samedi, 16 Janvier, 2016 / Humanite.frAprès cinq jours de procès qui ont mis en exergue les invraisemblances de la thèse de la légitime défense, le gardien de la paix Damien Saboundjan a été acquitté.Les quatre « Oui » ont claqué dans la salle d'audience mais, à part quelques journalistes, personne n'a encore compris l'ampleur de cette quadruple affirmation. Il est 20h30 ce vendredi et, après cinq jours d'audience et six heures trente de délibéré, la Cour d'assises de Bobigny vient, contre toute attente, d'acquitter le gardien de la paix Damien Saboundjan, accusé d'avoir abattu Amine Bentounsi d'une balle dans le dos, lui concédant la légitime défense.Les six jurés populaires et les trois magistrats professionnels devaient répondre à quatre questions :
- L'accusé a t-il volontairement commis, à Noisy-le-Sec le 21 avril 2012, des violences sur la personne d'Amine Bentounsi ?
- Les violences telles qu'elles sont définies à la question n°1 ont-elles entraîné la mort sans intention de la donner ?
- Ces violences volontaires ont-elles été commises dans la fonction de gardien de la paix ?
- L'accusé bénéficie t-il de l'irresponsabilité pénale prévue par l'article 122-5 du code pénal qui définit la légitime défense.
Dans la salle d'audience, la tension est à son comble. Depuis 19 heures le public, averti que le verdict était imminent, s'était massé devant l'entrée de la Cour d'assises qui restait obstinément fermée. Dans la salle des pas perdus du tribunal de Bobigny, le ton commençait à monter entre les associations contre les violences policières et les fonctionnaires de police venus nombreux soutenir leur collègue. A 20h15, les portes s'ouvrent enfin. Dans cette petite salle d'audience, la présence policière est impressionnante : une douzaine de CRS aux quatre coins de la salle, rapidement rejoint par des policiers en civil qui forment un cordon autour de l'accusé. La salle est archicomble.Plus tôt dans la matinée, l’avocat général Loïc Pageot, avait requis une peine de cinq ans d'emprisonnement avec sursis assortie de mesures de soins.« Je ne crois pas à la légitime défense », avait t-il expliqué dans un très bon réquisitoire, qui n'a visiblement pas su convaincre. Il avait surtout demandé aux jurés d'interdire à l'accusé d'exercer définitivement le métier de fonctionnaire de police car « tout démontre dans son attitude qu'il manque de discernement ». Mais Damien Saboundjan est ressorti libre et toujours policier du tribunal de Bobigny ce vendredi soir, malgré les nombreuses invraisemblances de sa version des faits démontée durant le procès par les témoins, la partie civile et l'avocat général (lire l'Humanité de lundi prochain).Sonnerie. « La cour, veuillez vous lever ! ». La solennité des assises reprend ses droits pour quelques secondes. Mais à peine le président Jean-Marc Hellere a t-il prononcé le mot « acquitte » que les hurlements fusent. Des cris stridents déchirent la salle d'audience, puis un « Justice de merde ! » résonne. Dans le même temps, l'acquitté est rapidement exfiltré par la demi-douzaine de policiers qui s'étaient groupés autour de lui et lui font enjamber le box des accusés pour sortir par une porte latérale.Debout sur les bancs, une partie du public scande : « La police tue et la justice acquitte ! » ou encore « Pas de justice, pas de paix ! ».Il faudra de nombreuses minutes pour que le calme revienne. Dans un coin de la salle d'audience, sur son estrade, l'avocat général, range ses dossiers en silence.Amal Bentounsi, la sœur de la victime qui s'est battue pour la tenue de ce procès, s'approche de lui, les larmes aux yeux :"Je voulais vous remercier monsieur, vous avez essayé"..."Je commençais à y croire, moi aussi, lui répond le représentant du ministère public, visiblement ému. Je suis désolée Madame".Le magistrat va demander au parquet général de faire appel de l'acquittement.Sur le même sujet:- Procès Bentounsi : la complainte du policier jugé
- Délit de faciès en plein procès du policier accusé de la mort d’Amine Bentounsi
- « J’aimais l’uniforme »
- « Vous préférez aider un collègue plutôt qu’aider la vérité ? »
- « Avant d’être abattu, mon petit frère avait été tué socialement et moralement »
- Justice Au procès Saboundjian, le rôle trouble du préfet de Seine-Saint-Denis
votre commentaire -
N° 196 - 15 janvier 2016 À LA UNE
8 ex-salariés de Goodyear ont été condamnés mercredi 13 janvier à 24 mois de prison dont 9 fermes. Pourquoi ? Parce qu'ils ont défendu leur emploi en utilisant les moyens à leur disposition face à une direction qui faisait la sourde oreille. Et puisque la direction n'a pas porté plainte contre ces salariés, il faut chercher l'origine de cet acharnement judiciaire au gouvernement... Lire le billet...VIDÉO
Invité de RTL le jeudi 14 janvier, Jean-Luc Mélenchon a apporté son soutien aux 8 ouvriers de Goodyear condamnés à de la prison ferme ainsi qu'à leur famille et a appelé à signer la pétition lancée par la CGT Amiens Nord. Il a également interpellé François Hollande sur la déchéance de nationalité... Voir la vidéo...AGIR
La CGT Amiens Nord a lancé une pétition pour soutenir les 8 de Goodyear et demander l'arrêt des poursuites contre eux. Signez pour apporter votre appui à leur démarche !...
votre commentaire -
« Quand ils sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit… »
Antoine Richard (âgé de 79 ans) et Matthieu Laurentin (président d’Attac Marseille) ont subit, comme d’autres avant eux, une véritable tentative d’intimidation. Tout ça pour deux simples actions de « fauchage de chaises » dans des agences BNP Paribas de Marseille en octobre et novembre dernier.
Un rassemblement de soutien s’est déroulé devant l’une des agences BNP de Marseille : celle du boulevard d’Athènes.
La solidarité est notre arme, parmi celles et ceux qui luttent pour l’humain, la vie et la Terre.
Maud et Yannis
« Quand ils sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit… » | Blog YY
votre commentaire -
Cette semaine le débat et l’appel en faveur d’une primaire a fait parler beaucoup de personnes à gauche. Pas trop au Parti de gauche : vous n’êtes pas intéressés ?
Je considère que l’appel de la semaine, c’est celui en solidarité avec les Goodyear, lancé en même temps, et qui atteint 75 000 signatures ce vendredi contre 25 000 à celui sur la primaire. J’ai bien vu et lu que, cette semaine, la primaire a pris beaucoup plus de place dans certains médias alors que manifestement, dans «le peuple de gauche», la réalité est différente. L’appel de la primaire a du mal à passer la seconde alors que celui de Goodyear est dans la dynamique.
Après, je veux bien répondre à votre question : je n’ai pas l’impression que l’on soit les seuls à gauche à ne pas s’enflammer avec la primaire. On ne doute pas de la bonne volonté de certains signataires mais l’idée de trouver un candidat unique de toute la gauche est irréaliste. Chacun comprendra qu’on ne peut réduire l’écart entre deux lignes aujourd’hui opposées à gauche en les contractant dans une seule figure ! Les électeurs n’y croiraient d’ailleurs pas. C’est au suffrage universel de trancher entre de telles différences de stratégie et de programme. D’ailleurs depuis lundi, cet appel a progressivement évolué : au départ, il était critique envers le gouvernement et maintenant semble en passe d’être digéré dans la stratégie du PS qui y voit une contribution au rassemblement autour de François Hollande au nom du vote utile. A l’inverse, j’ai senti un certain mépris grandissant envers nous et celui qui a été notre candidat commun, Jean-Luc Mélenchon. En définitive, à qui profite cet appel à la primaire de toute la gauche ? Même si tous ses initiateurs, dont certains proches de nous, ne le voyaient pas ainsi au départ.
En même temps, lorsqu’on vous parle d’une primaire sans le PS, seulement avec «l’autre gauche» vous bottez également en touche…
C’est vrai, on n’a jamais été très emballé par la primaire. Je trouve que ça accélère les travers de la Ve République : c’est une machine à multiplier des candidats, à personnaliser et à compliquer les choses sans avoir un résultat probant au final. Souvenons-nous qu’en 2007, nous avons procédé à une sorte de primaire pour trouver une candidature commune de la gauche antilibérale. Finalement, notre espace a été représenté par trois candidats à la présidentielle avec la marginalisation que l’on sait à la clé…
Or, la période est plus grave et la situation plus dangereuse qu’à l’époque : le FN frappe à la porte du pouvoir, Valls et Hollande sont en train d’enterrer la gauche et notre espace politique est en méforme. Si, dès le départ, nous avions été capables de construire un mouvement commun, avec des structures de base communes autour d’un programme, d’un projet je ne dis pas, mais cela n’a pas été le cas. Nous sommes restés un cartel de partis. On ne peut donc plus perdre du temps à dix-sept mois de la présidentielle. Je propose de nous concentrer sur l’essentiel et nos atouts.
Mais il reste tout de même le Front de gauche, non ? Ou bien, c’est la fin ?
Le Front de gauche a été une force propulsive jusqu’en 2012. Après l’élection présidentielle, il a été incapable de capitaliser sur le résultat de Jean-Luc Mélenchon parce qu’il a raté tous les moments où il aurait pu devenir autre chose qu’un cartel de partis.
Je ne renie pas cet acquis, il était nécessaire parce qu’en 2008, l’urgence c’était d’en finir avec l’émiettement mortifère de l’autre gauche. Mais là, s’il a encore un rôle, ce doit être de travailler à tout autre chose. La présidentielle peut en être l’occasion. C’est en effet encore le moment où notre pays s’intéresse massivement à la politique. On doit bien sûr se donner les moyens pour trouver un candidat crédible pour espérer accéder au second tour et en capacité de fédérer et de représenter notre espace. Mais ce n’est pas tout.
La présidentielle doit aussi servir à déboucher sur un nouveau mouvement qui, cette fois, ne doit pas être un cartel, mais une force qui repose sur des comités de campagne et de réseaux citoyens et qui préparera en même temps les présidentielles et les législatives. On doit donner envie aux citoyen-ne-s de s’impliquer. Ce mouvement se construira en marchant : dans la campagne, pour élaborer son programme et l’idée c’est de le pérenniser ensuite. Il y a de la disponibilité pour cela, encore une fois regardez le succès de l’appel Goodyear, encore faut-il donner envie aux gens de s’y associer. Bien sûr les conditions sociales, le contexte économique, la faiblesse de l’extrême droite, la différence de mode de scrutin sont très différents en Espagne ou en Grèce, mais je remarque que le point commun des toutes forces qui émergent aujourd’hui en Europe c’est leur unicité, ce sont des seuls et mêmes mouvements pas des cartels. On ne peut pas dire qu’il faut recomposer le paysage politique et ne pas commencer par le faire vraiment.
Mais aujourd’hui, chez vous, la question a l’air d’être tranchée, Jean-Luc Mélenchon sera votre candidat ?
Le candidat que soutiendra le PG sera d’abord celui d’un vrai renouvellement politique : celui d’une VIe République pour en finir avec la monarchie républicaine actuelle. Il devra en tout cas correspondre à cette nécessité de recomposition et avoir non seulement la volonté mais aussi la capacité d’entraîner un tel mouvement. De ce point de vue, tout le monde n’est pas interchangeable, ce n’est pas vrai. Je considère, je parle en mon nom et non au sien, que celui qui nous a menés à plus de 4 millions de voix en 2012 et qui, depuis, manifestement, conserve cette capacité d’attraction dans le pays, est le mieux placé pour nous aider à bâtir cette ambition et à bousculer le tripartisme. Mais cela ne devrait pas vous étonner.
votre commentaire