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Trois mois après l'arrestation à l'heure du laitier des salariés d'Air France accusés dans l'affaire des chemises, les pouvoirs publics sont de nouveau montés d'un cran dans la répression antisyndicale avec la condamnation des huit militants de Goodyear à neuf mois de prison ferme pour avoir retenu deux cadres de la direction de l’usine Amiens-Nord durant trente heures.
Incontestablement on est passés dans une nouvelle séquence qui soulève indignation et réactions des responsables syndicaux et politiques. Si ce jugement s’inscrit dans le mouvement de criminalisation du mouvement social dont la liste ne cesse de s’allonger, il surprend par son extrême sévérité. Un acharnement qui ne doit rien à l'indépendance de la magistrature, car dans cette affaire, la responsabilité politique du gouvernement est totale.
En effet les deux dirigeants « séquestrés » et la direction de l'usine avaient retiré leur plainte. C’est donc bien à l'initiative du parquet, dépendant du ministère de la Justice que les syndicalistes ont été poursuivis et condamnés. Et encore, les esprits tordus trouveront-ils que la justice a eu la main légère si l'on pense que lors de l’audience, le parquet avait requis deux ans d’emprisonnement, dont un an ferme aménageable.
C'est la première fois depuis un demi-siècle qu'un gouvernement demande que soit requises des peines de prison ferme contre des syndicalistes pour avoir participé avec les salariés à des actions en vue d’empêcher la fermeture de leur usine.
"Cette décision est scandaleuse et injuste. Au-delà des salariés d'Amiens, c'est tout le mouvement syndical qui est attaqué", s'est insurgé le secrétaire général de la CGT. "C'est un message fort et dans le mauvais sens que donne le gouvernement aux salariés qui se battent pour préserver leur emploi", estime Philippe Martinez.
La réaction est tellement vive avec près de 100000 signatures (au 17 janvier) sur la pétition de soutien aux huit de Goodyear que Manuel Valls a reconnu jeudi au Sénat que la peine était "indéniablement lourde" mais a estimé qu'il ne fallait pas "basculer dans la violence". Cette condamnation n'est pas un accident, ni une bavure. Elle entache le lamentable bilan de François Hollande en matière de dialogue social et de libertés syndicales.
Le chef de l'Etat qui avait commencé son mandat en refusant une loi d'amnistie pour les faits survenus dans le cadre des mouvements sociaux entend maintenant procéder à une réécriture du code du travail qui va précisément inverser la hiérarchie des normes sociales applicables dans les entreprises et banaliser le contrat de gré à gré. Il s'agit bien là de s'affranchir du syndicalisme, laisser toute liberté aux entreprises.
L'exécutif a repris complètement à son compte la vieille maxime patronale « les licenciements d'aujourd'hui font les emplois de demain » comme nous l'a encore expliqué le Premier ministre samedi soir chez Laurent Ruquier. Non contents d'avoir accordé plus de 40 milliards de cadeaux aux entreprises, le gouvernement prétend aussi améliorer leur compétitivité en sécurisant les licenciements.
Ce qui est posé à travers cette actualité c'est la question de la citoyenneté et des contre-pouvoirs à l'entreprise et dans la sphère publique. Plus les espaces et les moyens d'expression et de défense sont contestés aux salariés et aux syndicats, plus forte est la violence sociale subie. Il en sera évidemment question lors des Rencontres d'Options ce 28 janvier. Car on ne peut rester spectateurs de cette séquence brutale et répressive, il nous faut aussi revendiquer et construire.
Publié le lundi, 18 janvier 2016 dans Billets de la semaine / http://www.ugict.cgt.fr/
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Un reportage d’Anaëlle VERZAUX.
Guerre et terreur. Avec un discours guerrier, le pouvoir exacerbe la peur en France, sans assurer pour autant la sécurité des citoyens. C’est la vieille recette cynique de la stratégie du choc. L’opinion traumatisée approuve un régime d’exception qui porte pourtant atteinte aux libertés publiques, aux luttes sociales comme à la vie intellectuelle du pays. En surpassant la droite la plus sécuritaire et la plus réactionnaire, le gouvernement n’a qu’un seul but, remporter les présidentielles de 2017. Même le très modéré Conseil de l’Europe dénonce « un risque que le système de contrôle démocratique soit sapé par ces mesures. »
Avec l’état d’urgence, la police n’a plus besoin du Juge, le législatif et le judiciaire sont marginalisés (…) Le 18 novembre, une douzaine de députés socialistes déposaient un amendement afin de rétablir le contrôle de la presse.
À l’évidence, perquisitions et assignations relèvent de l’arbitraire et de l’improvisation administrative. (…)
(Contrairement à ce que déclare le premier ministre) … Expliquer n’est pas excuser. Comprendre n’est pas défendre. Nul besoin d’intellectuels pour nous le rappeler. Monsieur Valls veut en rester au temps de la vengeance et du talion, c’est-à-dire à la guerre, c’est-à-dire à Daech, c’est-à-dire à la guerre asymétrique, c’est-à-dire au terrorisme. La seule issue commence par comprendre, par expliquer, par penser même l’impensable.
« Je pense qu’il faut parvenir à penser ce qui est arrivé. Partons d’un principe : rien de ce que font les hommes n’est inintelligible. Dire : « je ne comprends pas », « je ne comprendrai jamais », « je ne peux pas comprendre », c’est toujours une défaite. On ne doit rien laisser dans le registre de l’impensable. C’est la vocation de la pensée, si l’on veut pouvoir, entre autres choses, s’opposer à ce qu’on déclare impensable, que de le penser. Bien entendu, il y a des conduites absolument irrationnelles, criminelles, pathologiques, mais tout cela constitue pour la pensée des objets comme les autres, qui ne laissent pas la pensée dans l’abandon ou dans l’incapacité d’en prendre la mesure. La déclaration de l’impensable, c’est toujours une défaite de la pensée, et la défaite de la pensée c’est toujours la victoire précisément des comportements irrationnels, et criminels. » (Alain Badiou)
Face aux attentats d’Oslo et de l’île d’Utoya en juillet 2011 (77 morts, 48 blessés), le Premier ministre norvégien déclarait : « La réponse à la violence c’est encore plus de démocratie, encore plus d’humanité. »
Daniel Mermet
SOURCE :PERQUISITION, ASSIGNATION, ATTENTION DÉRIVE SÉCURITAIRE - Là-bas si j'y suis (EXTRAITS)
SAMEDI 23 JANVIER, GRAND MEETING POUR LA LEVEE DE L’ETAT D’URGENCE
14h30 à l’Espace Charenton Paris 12ème
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LOAN NGUYEN / L'Humanité / 19/01/2016
<section><figure class="landscape large">
<figcaption>MANIFESTATION DES SALARIÉS DE PENTAIR À HAM DANS LA SOMME CONTRE LA FERMETURE DES SITES. PHOTOPQR/LE COURRIER PICARD/TOUCHART
</figcaption> </figure>À Pentair comme dans d'autres entreprises, le gouvernement s'insurge publiquement contre les licenciements, tout en les facilitant par la loi.
PSA Aulnay, Florange, Goodyear, Petroplus, Mory Ducros... la litanie des PSE et des fermetures de sites n'a jamais cessé de s'allonger depuis l'arrivée au pouvoir de François Hollande et de son gouvernement.
Aujourd'hui, c'est au tour des salariés de Pentair, à Ham (Somme), de faire les frais de la recherche de l'accroissement des profits et des dividendes.
Cette entreprise de robinetterie, qui emploie 132 salariés sur le site, est vouée à la fermeture par la direction du groupe, qui entend également supprimer 55 postes à Saint-Ouen-l'Aumône (Val-d'Oise) et 25 à Armentières (Nord). Et ce, en dépit de résultats florissants. « De l'ordre de 5 millions d'euros (de bénéfices) sur le site d'Armentières pour seulement 245 salariés, et l'unité d'Ham qui dégage 18 % de marge brute voit sa fermeture annoncée alors qu'elle apparaît comme la plus rentable d'Europe », a dénoncé la sénatrice communiste du Nord, Michelle Demessine, dans un courrier adressé le 7 janvier au premier ministre, avant de poser une question orale au gouvernement sur le sujet, jeudi dernier.
Manuel Valls a, certes, jugé la décision de la multinationale « difficilement acceptable socialement et sur le plan industriel ». Et même Emmanuel Macron a estimé que « la décision, qui a été annoncée le 15 décembre 2015 par le groupe Pentair, est de nature inacceptable parce que les chiffres sont là : la viabilité économique de l'ensemble de ces sites productifs semble avérée et l'engagement de l'ensemble des personnels sur ces sites est une réalité ». Mais l'un comme l'autre ne semblent envisager qu'une recherche de repreneur, en vertu de la fameuse loi Florange qui intime aux entreprises souhaitant se débarrasser d'un site de privilégier une cession à une fermeture.
Pourtant, quand bien même l'usine serait reprise, une telle option ne saurait garantir la pérennité des emplois. Comme on le voit dans de trop nombreux cas, d'Alstom à Sitl, exFagor-Brandt, une cession peut vite aboutir à une liquidation ou à de nombreuses suppressions d'emplois, ce qui permet au passage au propriétaire originel de ne pas assumer le coût du plan social.
De fait, même quand le gouvernement s'affiche dans une posture volontariste face aux plans sociaux, celle-ci se limite toujours à un numéro de VRP de luxe auprès des entreprises pour tenter de les convaincre comme Arnaud Montebourg en son temps de faire oeuvre de « patriotisme économique », en les arrosant au passage d'aides publiques.
Mais la majorité socialiste s'est tant démenée pour faciliter les licenciements et limiter le préjudice subi pour les employeurs devant les tribunaux quand ceux-ci s'avèrent illégaux, que le gouvernement aurait plus de chance de réussir à remplir une passoire avec du sable que de véritablement sécuriser les emplois.
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« Les éléphants sont contagieux », écrivait Paul Éluard dans 152 proverbes mis au goût du jour... Emmanuel Macron aussi, quand bien même ne cotiserait-il pas au Parti socialiste. François Hollande a en effet retenu les propositions les plus libérales de son ministre de l'Économie, celles qui le mettent en harmonie avec Pierre Gattaz, pour présenter des propositions contre le chômage... qui détruiront l'emploi. Facilitation des licenciements, plafonnement des indemnités prud'homales, blanc-seing au patronat pour détruire la législation du temps de travail par des accords d'entreprise, baisse des protections des salariés, « ubérisation » des statuts...
Toutes ces mesures, réclamées à cor et à cri par le Medef, ont pour but « plus de sécurité pour l'entreprise pour embaucher, pour adapter son effectif lorsque les circonstances économiques le commandent ». Et quelle autre circonstance que celle des profits boursiers compte plus aux yeux des actionnaires ?
Au passage, avec l'obstination des lemmings se noyant les uns après les autres dans les rivières, le président de la République veut amplifier les dispositions qui ont échoué à relancer l'activité comme le crédit impôt recherche ou le CICE, qui au terme de 34 milliards d'euros de cadeaux n'a pas enrayé la courbe du chômage.
Pire, il veut pérenniser cette gabegie en la transformant en baisses de cotisations sociales, au risque de briser la Sécu. Le but de cette opération n'est pas seulement de maquiller la hausse du chômage pour faciliter une nouvelle candidature de François Hollande en 2017, mais d'abord et avant tout de généraliser la flexi-insécurité et donner les mains libres au patronat pour traiter la maind'oeuvre comme il l'entend.
C'est donc la précarité sinon le chômage que retrouveraient les 500 000 chômeurs qui suivraient des formations improvisées. Quant à sa macronnerie du jour « pour beaucoup de jeunes, il est plus facile de trouver un client que de trouver un employeur » , elle aura sans doute le même écho dans l'opinion que celle de son sémillant éclaireur lorsqu'il invitait tous les jeunes à devenir milliardaires...
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François Hollande a précisé devant les acteurs du monde économique et social son plan pour l'emploi. Alors que les annonces de début janvier sur la formation et l'apprentissage paraissaient plutôt consensuelles, le président a remis sur la table le plafonnement des indemnités prud'homales et la pérennisation du CICE, deux sujets explosifs à gauche.
« Ça va chauffer », peut-on entendre près du buffet. Les vœux de François Hollande au monde économique et social viennent de s’achever, et les invités refont le match. « J’ai l’air content ?, ironise le responsable cégétiste Philippe Martinez, qui revendique être venu « sans cravate » écouter le président. Jean-Claude Mailly (FO) a mis un beau costume mais n’est pas plus rassuré : « Avec ce que l’on vient d’entendre, la prochaine loi sur le code du travail, ça va être rock’n roll »… Même la CFDT, qui garde pour l’instant sa confiance au chef de l’État, avoue sa « surprise sur plusieurs points », selon Inès Imin, secrétaire nationale chargée de la jeunesse.
À l’étage du palais d’Iéna, où les journalistes sont confinés derrière un cordon, Pierre Gattaz est quasiment le seul à venir dire sa satisfaction face caméra. « Ces mesures vont dans le bon sens, il faut les appliquer le plus vite possible », clame le patron du Medef, qui réclamait il y a une semaine de nouveaux allègements de charges et un contrat de travail « plus agile ». Ses idées ont, sans aucun doute, infusé.
Le président François Hollande a relevé, dès le début de son intervention, la contradiction entre « la dynamique économique qui appelle à plus d’agilité et la cohésion sociale qui appelle à plus de sécurité », tout en faisant clairement bouger le curseur vers les entreprises, au nom de la croissance et de l’emploi. Pour plus de « lisibilité et de stabilité pour les employeurs et les salariés », le plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle ou sérieuse fait son grand retour, en dépit de la censure du Conseil constitutionnel et de la tempête que cette mesure, défendue alors par Emmanuel Macron, avait provoquée. Le barème pourrait, cette fois-ci, être fixé en fonction de l’âge ou de
Le président a également promis une nouvelle prime, 2 000 euros par an pour chaque embauche d’un salarié en CDI ou CDD d’au moins 6 mois dans les entreprises de moins de 250 salariés, nonobstant les critiques sur l'absence d'impact réel de ce type d'aide sur l'emploi.
Surtout, il fait fi des remarques de son propre camp en annonçant vouloir pérenniser le crédit impôt compétitivité emploi (CICE). L’avantage fiscal va être transformé en « baisse définitive des charges sociales ». Tout juste François Hollande a-t-il concédé une réunion d’évaluation globale du pacte de responsabilité sous l’égide de Manuel Valls, en février. « À ce moment-là, le PS aura son mot à dire », veut croire Jean Grosset, conseiller social de Jean-Christophe Cambadélis. Le bureau du parti socialiste avait déjà demandé une « réorientation » des 40 milliards d’euros du pacte l’été dernier, sans succès. « Nous sommes d’accord pour des allègements de charges si ça procure des effets, rappelle de son côté Inès Imin à la CFDT. Pour le CICE, ce n’est pas clair. » Les conséquences d’une baisse permanente des cotisations patronales sur la protection sociale, une question soulevée il y a déjà deux ans par le Haut Conseil du financement de la protection sociale, semblent également balayées.
Les partenaires sociaux ont ensuite entendu le chef de l’État confirmer l’orientation prise par le gouvernement sur le code du travail. Là encore, ces vœux ont pris une saveur amère. Hormis le socle des droits fondamentaux définis par la commission Badinter, le reste sera bien « renvoyé à la négociation collective ». Le président a également précisé la teneur de la future loi El Khomri concernant la réforme du temps de travail : elle conférera à l’accord d’entreprise la capacité de fixer le nombre d’heures supplémentaires possible ainsi que leur taux de rémunération, et de moduler le temps de travail, « au-delà même de l’année ». Grosse couleuvre pour les représentants des salariés.
Enfin l’accord collectif, « s’il est conclu dans l’intérêt de l’emploi, s’imposera au contrat de travail ». Le faible nombre d’accords de maintien de l’emploi signés ou les référendums explosifs menés chez Smart et Sephora l’an dernier ont pourtant montré la complexité d’une telle posture. Mais François Hollande veut y croire, au nom de la « réalité économique », de la « liberté et de la sécurité » des employeurs et des salariés.
Sans en dire plus sur la possibilité d’une nouvelle loi Macron (très vraisemblablement fondue dans la loi El Khomri), le président a néanmoins cité plusieurs fois son ministre de l’économie, reprenant à son compte son éloge de l’entrepreneuriat et sa vision du monde du travail, où il serait parfois plus facile de trouver « un client qu'un employeur », notamment pour les jeunes des quartiers populaires. François Hollande a évoqué, sans précision, « un nouveau régime » pour les entrepreneurs, un recours simplifié au « portage salarial », ainsi qu’une révision des qualifications nécessaires pour l’accès à certains métiers, la marotte du locataire de Bercy.
L’ensemble de ces mesures, au fort potentiel de controverse, a masqué les annonces plutôt consensuelles du 1er janvier, portant sur la formation comme rempart contre le chômage. Le président a simplement précisé les ordres de grandeur et les modalités. Deux milliards seront nécessaires pour financer les 500 000 formations pour les demandeurs d’emploi, les 42 000 contrats de professionnalisation supplémentaires ainsi que le coup d’accélérateur sur l’apprentissage et l’alternance dans l’éducation nationale (1 000 postes supplémentaires en filière professionnelle). Deux milliards pris sur « la réduction de la dépense publique », a promis le président.
Abandonnant la seule ligne de la lutte contre le chômage, politiquement périlleuse vu les chiffres, François Hollande impose désormais sans complexe son programme économique. Alors que le président évoque la « gigantesque mutation » d'un monde « ubérisé », il dit vouloir assumer ses choix, « lucide » : « La France n’a pas à s’aligner sur des systèmes qui, s'ils étaient appliqués ici, seraient rejetés sans produire quelque bénéfice que ce soit. Quand à la seule gestion des acquis, c’est une cause perdue d’avance. »
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