• Que le rapport de forces soit avec nousLe premier tour des élections régionales a permis à l'extrême droite de réaliser un triste record : après les 4,1 millions de voix obtenues lors des élections départementales de mars 2015, le FN triple son score des élections régionales de 2010. Il récolte plus de 6 millions de voix et est en tête dans 6 régions sur 13. L'abstention reste très élevée, notamment chez les jeunes : c’est 1 électeur sur 2 en moyenne qui ne s'est pas déplacé.

    Ces résultats sont encore une fois le signe de la grave crise démocratique et sociale que traverse notre pays et sur laquelle la CGT ne cesse d'alerter. Le chômage et la précarité atteignent des records. La mise en concurrence des territoires accentue les inégalités et la relégation. L'absence de réponse au dumping social généré par la mondialisation capitaliste et par les impasses des politiques libérales et austéritaires menées en Europe offre un boulevard au repli nationaliste et à la préférence nationale. Ce qui est en cause, c'est les promesses non tenues et la démission du politique face au marché. La fuite en avant dans la dérive sécuritaire est une impasse qui conduit à normaliser le discours de l'extrême droite.

    Il y a urgence à ce que les leçons soient tirées. Par le gouvernement qui a renié ses promesses, comme par l'ensemble des partis républicains. Le syndicalisme est aussi interpellé par ce résultat. La CGT, pour ce qui la concerne, renforcera son travail de terrain et de proximité.

    Le Front national n’est pas un parti comme les autres et constitue une grave menace pour la démocratie et le monde du travail. La CGT le combat parce que son approche est fondée sur l'inégalité, en fonction des nationalités, des origines, des religions, des couleurs ou des sexes.

    Le FN divise et met en opposition le monde du travail, et fait ainsi le jeu du patronat. Il porte un projet de régression sociale, et notamment l’austérité avec la suppression d'un fonctionnaire sur deux dans les collectivités territoriales.

    Dans les collectivités qu’il dirige, le FN s’attaque à la culture, aux associations et aux droits des femmes et casse le lien social. Il remet en cause notre système de solidarité, en portant la suppression des cotisations sociales. Il menace les libertés durement conquises par les travailleurs, la liberté d’expression au travail comme dans la société, la liberté de la presse, ou encore la liberté de mobilisation et d'organisation. La CGT appelle à mettre en échec partout le Front national sur ses prétentions électorales et ses objectifs politiques et sociaux.

    La CGT continuera à faire vivre la déclaration unitaire intersyndicale de juin 2015 « Vivre ensemble, travailler ensemble » et amplifiera le débat avec ses syndiqués et les salariés.

    Il y a urgence à ouvrir des perspectives de progrès social en France, en Europe et dans le monde. Plus que jamais, la CGT appelle les salariés à s'organiser et à se mobiliser ensemble pour défendre leurs droits et leurs libertés et mettre de nouvelles conquêtes sociales à l'ordre du jour.

    Source Confédérale.

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  • De « l’esprit du 11 janvier » à la « déchéance de la nationalité » : chronique d’une année de régression culturaliste

    DES TAS D\'URGENCE

    Trois séries de faits ont marqués l’année 2015. La première borne l’année par les attentats ignobles de janvier et de novembre. La seconde est constituée des instrumentalisations de l’émotion publique qu’ils ont suscitée dans une logique froide de réalpolitique gouvernementale : elle va de « l’esprit du 11 janvier » à la déchéance de la nationalité en passant par le double consensus pour la poursuite de la guerre et pour l’Etat d’urgence renouvelable. La troisième est une conséquence logique de la précédente et se traduit par la banalisation des « abus » de l’Etat d’urgence, par la montée des actes islamophobes, par les résultats électoraux du Front National et par la manifestation raciste et islamophobe d’Ajaccio.

    Le discours médiatique et politique dominant, en présentant les deux premières séries de faits comme reliées par un ordre de causalité, légitime l’Etat d’urgence et la guerre comme nécessités de la sécurité publique. En refusant d’interroger les interactions entre les deux dernières séries de faits, les mêmes discours masquent les responsabilités gouvernementales dans le développement rapide de rapports sociaux racistes dans notre société.

        Lire l'article

     
     

    http://www.investigaction.net/De-l-esprit-du-11-janvier-a-la.html


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  • Indignes d\'etre françaisDes responsables de la "majorité" ont tenté lundi de dégager un compromis sur la question de la déchéance de la nationalité, certains évoquant une possible extension de la mesure à tous les Français.

    Dévoilé en conseil de ministre le 23 décembre, le projet de réforme constitutionnelle prévoit d'étendre la déchéance de nationalité aux binationaux nés français condamnés "pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la Nation". Seuls peuvent aujourd'hui être déchus les binationaux devenus français.

    L'exécutif a exclu jusqu'à présent d'étendre la mesure à tous les Français: les "principes du droit international" l'interdisent (…) Mais c'est "un élément qui est dans le débat", a convenu lundi le secrétaire d'Etat au Parlement Jean-Marie Le Guen.

    Le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis, qui avait estimé le 4 décembre que la déchéance de nationalité pour les binationaux nés français n'était "pas une idée de gauche", s'est montré ouvert à cette solution. (Qui met en cause les Droits Humains Internationaux … Qui est une idée carrément pétainiste !)

    Une telle mesure est contraire à la déclaration universelle des droits de l'Homme, qui stipule à son article 15 que "tout individu a droit à une nationalité".

    Une convention onusienne de 1961 "sur la réduction des cas d'apatridie" affirme en outre que "les Etats contractants ne priveront de leur nationalité aucun individu si cette privation doit le rendre apatride".

    La France, qui s'enorgueillit d'être la "patrie des droits de l'Homme", pourrait-elle s'engager sur cette voie?

    Il y a toujours eu un problème avec la définition de ceux qu’on appelle « terroristes » … Pendant la guerre contre les nazis, pour les collabos, les résistants étaient des terroriste … L’un des premiers à subir la déchéance de nationalité, en 1940, ce fut le général de gaulle ! (1)

    Les militants, responsables politiques ou syndicaux dans le cadre des actions revendicatives ou de propagande seront-ils un jour assimilé à des « terroristes » ? Qu’on pense à ce que pourraient subir alors les salariés d’Air France dans le cadre de l’affaire des « chemises déchirées » ?

    Les terroristes, les « vrais » seront-ils impressionnés par la menace de perdre la nationalité dans le cadre de leurs activités-suicides ?

    Que fera-t-on des français déchus de leur nationalité ? Vers quelle contrée pourra-t-on les exiler ?

    SOURCE :Le PS à la recherche d'un compromis sur la déchéance de nationalité - 04/01/2016 - La Nouvelle République (Morceaux choisis)

    Note (1) : On trouve bien sûr parmi les déchus le général de Gaulle, Leclerc de Hauteclocque, mais aussi d’autres figures de la France Libre comme Ève Curie ou René Cassin. Celui-ci quitte la France avec sa femme le 23 juin 1940. Il refuse l’armistice et veut lutter contre les nazis. Lui-même de confession juive, Cassin fait de nombreuses allocutions à la radio, dont celle d’avril 1941, qui s’adresse spécifiquement aux Israélites français. On suit son parcours à Londres : devenu commissaire à la Justice et à l’Éducation, il prépare la « déclaration universelle des droits de l’homme et des devoirs des citoyens », ainsi que le retour à la légalité républicaine. Le 4 mai 1941, il est déchu de sa nationalité par Vichy, comme 29 autres personnes avec lui. Il en est rapidement informé par ses proches et en tire l’honneur d’être « sali par ces gens-là ». Cette déchéance renforce sa détermination dans son combat.


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  • Enserrée entre deux séries d'attentats qui ont ensanglanté la France, cette année de tous les bouleversements fut aussi celle de reculs sociaux violents, conjugués aux renoncements déshonorants de l'exécutif, et à une progression dangereuse de l'extrême droite. (L'Huma du 31/12/2015)
    Assemblée

    LE 16 NOVEMBRE, DEVANT LE CONGRÈS RÉUNI À VERSAILLES, FRANÇOIS HOLLANDE A ANNONCÉ DIFFÉRENTES MESURES DONT LA DÉCHÉANCE DE NATIONALITÉ POUR LES BINATIONAUX.

    Une sale année. Et la météo n'y est pour rien.2015 avait débuté dans le sang et les larmes avec les attentats de janvier. Elle se referme sur de nouveaux crimes de fanatiques religieux, perpétrés le 13 novembre dans la ville des Lumières. Sur le plan social, 2015 restera aussi dans les mémoires comme celle des mauvais coups qui frappent travailleurs et retraités, avec salaires et pensions gelés, un détricotage du droit du travail et un chômage à la hausse. Les lois du ministre Emmanuel Macron tout comme les baisses de dotations aux collectivités, aux effets dévastateurs pour l'emploi et le développement économique local, laisseront aussi de lourdes traces. Surfant sur ce climat lugubre, le FN a développé son audience en attisant haines et rancœurs, à mille lieues des idées fondamentalement républicaines du vivre-ensemble.

    L'ANNÉE OÙ LE TERRORISME A FRAPPÉ LA FRANCE

    Les attentats. Deux dates funestes, deux fers rouges qui blessent le pays et impactent son chemin. 2015 restera une année marquée par le terrorisme. Du 7 janvier, la tuerie de Charlie Hebdo, puis celle de l'Hyper Cacher, au 13 novembre, et l'horreur dans les rues de Paris, au Bataclan, au Stade de France. La vie sans Charb, Cabu, Wolinski, Tignous, Honoré, et tous les autres... La vie sans Marion, Gilles, Amine, Elsa, Lola, Milko, Kheireddine, Marie-Aimée, et tous les autres... En un an, 147 morts et 374 blessés. Aux dessinateurs, aux confrères, aux camarades, aux collègues et anciens collègues tués dans leur rédaction en début d'année, aux policiers et aux concitoyens juifs visés, le pays a répondu par une formidable démonstration de défense de la liberté de la presse et d'attachement au vivre-ensemble, avec des millions de manifestants, le 11 janvier. Visée sans distinction de profession, d'appartenance politique ou religieuse, visée dans son intégrité, la France a pleuré en novembre, sur les places publiques, sur des autels d'une République qui, happée par l'état d'urgence, montre des signes de vacillement.

    L'ANNÉE DES SURENCHÈRES SÉCURITAIRES

    Trois mois d'état d'urgence... C'est le maximum autorisé par une loi qui date de la guerre d'Algérie. Aux attentats de janvier, l'exécutif avait déjà répondu par la loi renseignement. Une loi de surveillance généralisée et liberticide, qui étend des pratiques attentatoires sans aucune garantie contre des dérives potentielles. Aux attentats de novembre, François Hollande et Manuel Valls ont opposé cet état d'urgence de trois mois, qu'ils veulent pérenniser et inscrire dans la Constitution. Ils souhaitent aussi y graver la déchéance de la nationalité pour les terroristes binationaux nés Français. Une mesure tout droit sortie du programme du FN, inutile en matière de sécurité, qui jette en pâture les binationaux et fait le bonheur de l'extrême droite. Cette dérive « identitaire » s'ajoute à la surenchère sécuritaire, qui tente de bâillonner le mouvement social: l'exécutif a interdit de nombreuses manifestations politiques et pacifiques après le 13 novembre. La nécessité d'assurer la sécurité des Français n'autorise pas les gardes à vue et les perquisitions abusives et non motivées. En 2016, les Français et les citoyens de France devront porter haut les plus belles traditions d'émancipation, de liberté, d'égalité et de fraternité de ce pays pour vivre ensemble et rejeter les divisions et la haine.

    L'ANNÉE NOIRE POUR LES MIGRANTS

    Le 2 septembre est un mercredi. Le jour des enfants en France. La veille, ils ont retrouvé le chemin de l'école. Plus loin, aux portes de l'Europe, sur une plage de Turquie, Aylan, 3 ans, petit réfugié de la ville martyre de Konabé en Syrie, a, lui, trouvé la mort. Avec ses parents, il fuyait la guerre. Les terroristes de Daech. La photo du garçonnet a fait le tour du monde. L'émotion aussi. Depuis le massacre n'a pas cessé. Le 23 décembre, veille de Noël, les corps de trois gamins ont été retrouvés au large de la Turquie. Pourtant tout a été promis. « Face au drame des réfugiés, nous proposons, avec Angela Merkel, un mécanisme d'accueil permanent et obligatoire en Europe », avait tweeté l'Élysée à la fin de l'été. Une main timide a été tendue. La « relocation » de 120000 réfugiés en Allemagne, quelques milliers en France. Trois mois plus tard, 200 à 300 familles ont été accueillies. L'ONU estime à un million le nombre personnes arrivées en Europe par la mer en 2015. Beaucoup rencontrent un mur infranchissable. Murs de barbelés, murs de soldats, ceux du dispositif Frontex renforcé au fil des mois sans le moindre contrôle démocratique. Murs des centres de rétention-détention. Les hotspots, comme celui de Pozzallo en Sicile, dont Médecins sans frontières (MSF) a annoncé, hier, son retrait afin de protester « contre les conditions d'accueil inappropriées et indignes ». Une indignité qui se répète, comme à Calais. Le mois dernier, elle a valu une condamnation à l'État français, sommé d'aménager des points d'eau, des sanitaires dans le camp « la Jungle » où vivent 6000 personnes, des enfants, des mineurs isolés de plus en plus nombreux, pris au piège de la fermeture des frontières.

    L'ANNÉE DE L'INQUIÉTANTE ASCENSION DU FN

    L'ampleur est considérable. Le Front national est arrivé en tête dans plus de 19000 des 36000 communes que compte la France, à l'occasion du premier tour des élections régionales. Au second, il a rassemblé 6,8 millions d'électeurs, dépassant le score obtenu par Marine Le Pen lors de la présidentielle de 2012. Un résultat colossal. Sans conteste, 2015 est une année qui a fait plus que sourire à un parti d'extrême droite omniprésent médiatiquement. S'il a finalement été battu dans les six région s où il était arrivé en tête le 6 décembre, le FN a indiscutablement marqué des points sur le terrain de la bataille idéologique. Le parti de la haine et du repli a surfé sur la crise des réfugiés, les attentats, le chômage, le sentiment de relégation de nombreux concitoyens, la crise démocratique, mais aussi sur une droite qui reprend et banalise son discours, et un président de la République qui atomise la gauche et s'approprie la revendication d'extrême droite d'extension des déchéances de la nationalité. Malgré les scandales et les procès qui le frappent, malgré les propos sordides de nombre de ses élus et adhérents, le FN progresse, et ajoute à son vote d'exaspération un vote d'adhésion. 2015 a été l'année d'un bond de géant dans l'entreprise de dédiabolisation du FN. Son ascension reste cependant réversible. L'enjeu de 2016, et au-delà, sera primordial pour les progressistes: convaincre des dangers d'un FN ennemi du peuple, et proposer une alternative programmatique et idéologique plus audible.

    L'ANNÉE DE LA DANGEREUSE LOI MACRON

    Des bus à la place des trains, le Code du travail piétiné, aux chiottes le repos du dimanche, vive le travail de nuit, au boulot pénible les enfants de 14 à 16 ans, et 3 CDD de suite possibles pour les jeunes, avec moins d'inspections du travail, de prud'hommes, de médecine du travail, et plus de droits au licenciement! Le ministre de l'Économie et de l'Industrie et son CV de bankster ont donné leur nom à une loi, promulguée le 8 août 2015 sans qu'il ne fût besoin de la faire voter par le Parlement qui rechignait. Cette loi, cette Macronne des patrons, tire à boulets noirs sur tout ce qui constitue les droits acquis par les luttes. Depuis, la ligne libérale tracée par le gouvernement apparaît droite comme l'injustice. 2015 a mis le feu aux convictions socialistes. 2016, année de la braise? Jamais passé par le suffrage universel, le trentenaire Macron, couve déjà une seconde mouture de sa loi. La courbe des dividendes atteint des sommets, comme celle du chômage : tu bosses, tu bosses pas, ils s'enrichissent quand même. Emmanuel Macron a choisi son camp, celui qui gagne... plus! Au diable, la politique qui régit la Cité! Chez ces gens-là, on raisonne économique. Quant à l'industrie, qu'elle aille se faire numériser! Chez ces gens-là, on ne produit plus, on tape!

    L'ANNÉE DES COUPS CONTRE LE CODE DU TRAVAIL

    En matière de destruction du Code du Travail, les années se suivent et se ressemblent. En 2015, la loi Rebsamen, en prétendant simplifier le dialogue social, a rogné sur les droits des instances représentatives du personnel (IRP) et acté, entre autres, la possibilité de renouveler deux fois un CDD au lieu d'un. Mais cela n'était visiblement pas encore assez. Le patronat, des hommes politiques, même les juristes, en la personne de l'éminent Antoine Lyon-Caen, ont réclamé une refonte du Code du travail. Les petites phrases et les coups bas se sont succédé pour dénoncer une réglementation soi-disant trop compliquée. Très à l'écoute, François Hollande n'a pas hésité à ressortir le rabot. En septembre, il recommande de simplifier le Code du travail pour le rendre plus « lisible » et « mieux adapté aux entreprises », autrement dit, donner plus de place à la négociation collective. Début novembre, Manuel Valls se prononçait pour la construction « d'un Code du travail du XXIe siècle » (sic). Le rouleau à compresser les droits des salariés était lancé. Si l'exécutif jure par exemple que la loi continuera de garantir la durée légale du travail de 35 heures, les digues vont sauter : des accords collectifs devraient permettre d'y déroger. Une commission présidée par Robert Badinter planche en ce moment même sur ce recueil législatif qu'il juge « obèse ». Un projet de loi sera présenté début 2016 pour une adoption avant l'été. De quoi augurer une nouvelle « annus horribilis » pour le livre rouge.


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  • 29 déc. 2015 | Par Antoine Perraud

    - Mediapart.fr

    Où l'on découvre que Manuel Valls rejoint, dans un argumentaire forcené mis en ligne sur Facebook, tous les furieux de la déchéance de nationalité, qui enragent du verrou européen interdisant de créer des apatrides...

    La descente aux enfers de la gauche française se poursuit au sujet de la déchéance de nationalité – ce qui reste quand on a politiquement tout perdu. Paris, adepte d’un soudain et coriace moins disant idéologique, lorgne ostensiblement les voisins sur lesquels s’aligner (voir l'article d'Edwy Plenel: Tout est possible, surtout le pire).

    « Le même débat existe en Belgique », affirme ainsi le premier ministre français Manuel Valls dans un argumentaire (argumenteur ?) écrit à la décrochez-moi-ça, mis en ligne sur Facebook lundi 28 décembre. Affirmation contestable et contestée. Outre-Quiévrain, le débat a été tranché. En juillet dernier, une loi fut adoptée, qui autorise un juge à prononcer la déchéance de nationalité pour les auteurs de crimes terroristes.

    Le quotidien La Libre Belgique se permet aussitôt un petit rappel au règlement : « Manuel Valls serait bien mal inspiré de prendre le cas belge en exemple. La loi adoptée par son voisin du nord est bien différente de celle qu'il s'apprête à soumettre au parlement français. Le gouvernement belge a en effet renoncé à autoriser la déchéance de nationalité à des personnes qui sont nées belges. Ce que la France ne semble toujours pas envisager. »

    « En Allemagne, la question ne se pose pas puisque la binationalité n’y est pas autorisée », claironne péremptoirement Manuel Valls, qui en est resté à ses vieux classiques sur le « droit du sang » outre-Rhin. Rien n’est plus faux ! La binationalité a toujours été autorisée en Allemagne pour les ressortissants de l'Union européenne et de la Suisse. Et depuis 2014, une loi autorise les enfants nés en Allemagne de parents étrangers à devenir allemands sans renoncer à leur nationalité première. Une telle mesure vise en particulier les enfants d'immigrés turcs. Elle est simplement soumise à conditions : avoir vécu huit ans dans le pays, y avoir étudié au moins six ans, avoir passé un examen scolaire ou achevé une formation professionnelle avant sa 21e année.

    Daniel Cohn-Bendit a mouché, ce mardi 29 décembre, le premier ministre (« Il faut de toute urgence que Manuel Valls retourne à l’école ! »), dans la mesure où l’ancien eurodéputé personnifie cette possibilité d’être binational, que le locataire de Matignon dénie étourdiment à l’Allemagne. Depuis mai dernier, le vétéran de Mai-68 jadis surnommé « Dany-le-rouge » et un temps interdit de territoire hexagonal, bénéficie, en sus de son passeport allemand, d’un passeport français – comme prit la peine de le lui annoncer personnellement l’actuel titulaire du ministère de l’intérieur, Bernard Cazeneuve…

    Dans sa tribune débridée de Facebook, Manuel Valls, tout entier à sa logique mimétique (appliquons la politique du FN pour le faire disparaître !), cite le cas de la Grande-Bretagne, qui pourrait priver de la nationalité en toute démocratie. Le cas d’espèce ne manque pas de sel. Il démontre ce que le socialisme déboussolé peut produire comme politique déroutée, qui profitera aux plus aptes à en tirer les bénéfices : la droite extrême qui vient toujours après la gauche à la peine...

    C’est en effet Tony Blair (il occupa le 10 Downing Street de 1997 à 2007) qui fit voter, en 2002 (dans le sillage du 11 septembre 2001), un texte laissant grande latitude au ministère de l’intérieur pour déchoir qui, à ses yeux, « met gravement en cause les intérêts vitaux » du pays. En 2005 (suite aux attentats du métro de Londres), la déchéance de nationalité en arrivait à sanctionner tout individu jugé (sans jugement mais en vertu de la seule prescience du Home Office) attentatoire « à l’intérêt public ».

    Ces coups de rabots aux libertés publiques dans le pays de l’Habeas Corpus n’avaient guère porté à conséquence, jusqu’à l’arrivée au pouvoir en 2010 du sémillant mais très conservateur David Cameron, flanqué d’une ministre de l’intérieur, Theresa May, terriblement portée sur la question de la déchéance, vue comme son apanage. Avec en écho le ministre de l’immigration, Mark Harper, allant répétant : « La citoyenneté est un privilège et non un droit »

    Résultat, des individus réputés dangereux doivent pouvoir être escamotés, comme ne s’en cachait pas David Cameron aux Communes, en janvier 2014 : « Il nous faut corriger la difficulté que nous avons à déporter ceux qui ne devraient pas être chez nous mais excipent d’argument spécieux comme le droit à vivre ici en famille. » On retrouve, là comme ailleurs, ce trop-plein démocratique faisant le jeu des djihadistes et transformant, aux yeux de la prétendue raison d’État, tout défenseur des droits en idiot utile agissant tel un allié objectif du terrorisme…

    Cependant, le pragmatisme règne outre-Manche. Le royaume n’ayant pas de Constitution, il est par définition impossible de constitutionnaliser la déchéance. Un autoritarisme plus prosaïque triomphe à bas bruit. Fin 2014, Theresa May obtient gain de cause : il est loisible au ministère de l’intérieur de confisquer trente jours durant le passeport d’un sujet de sa Majesté soupçonné de partir avec des visées djihadistes, tout en empêchant pendant deux ans tout citoyen sorti du territoire de revenir sur le sol britannique, sur la seule foi d’un soupçon d’ordre terroriste.

    Les adeptes du tout répressif à l'échelle du vieux continent tombent sur un hic aux allures de droit international coutumier : l'interdiction de transformer un ressortissant national en apatride. L’encadrement européen du retrait et de la perte de la nationalité (euphémismes remplaçant « déchéance » chez certains juristes policés) limite donc l’autonomie revendiquée des États membres de l’UE en la matière. Cette protection sur laquelle veille la Cour de justice européenne apparaît tel un verrou inacceptable, aux yeux des gouvernements donnant libre cours à leur autoritarisme au nom de la lutte antiterroriste. Une jonction entre une gauche redevenue daladiériste et les mouvements dits souverainistes est possible.


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