• RETRAITE AU FLAMBEAU -AL -Chercheur au CNRS et au Centre d’étude de la vie politique française (Cevipof), Bruno Cautrès dessine le visage de la France d’après-Charlie.

    En février 2015, un mois à peine après l'attentat contre « Charlie hebdo », le Cevipof publiait, dans le cadre d'une enquête au long cours, un instantané de la France révélant un pays fracturé et sur le repli. Le soufflé du 11 janvier était retombé, les choses ont-elles changé ?

    « Non, le constat avait été posé antérieurement déjà et il se prolonge aujourd'hui encore. Vague après vague, cette étude amorcée en 2009 brosse le portrait de Français installés dans la défiance à l'égard des femmes et des hommes politiques et du fait politique en général.
    « Ce sentiment, dont les racines sont anciennes, est associé à une déception immense qui peut aller jusqu'au dégoût. Il n'est d'ailleurs pas spécifique à notre pays et concerne une large partie de l'Europe. La globalisation et l'intégration européenne, les crises financières et le désemploi depuis des décennies l'ont probablement alimenté. Il y a cette conviction collective que face à un bombardement de difficultés nouvelles et accrues, les gouvernements nationaux ont perdu le manche. »

    Sauf en matière sécuritaire peut-être. L'offensive terroriste subie en 2015 a réaffirmé le primat de la sécurité au détriment d'autres fronts, le chômage notamment.

    « Nous sommes clairement dans une spirale sécuritaire. C'est le vœu des Français, les enquêtes d'opinions le démontrent. Mais en affinant les chiffres, le clivage droite-gauche réaffleure très vite. Voyez ces jours-ci le débat sur la déchéance de nationalité. Cette première lecture n'efface pas les questions sociales et économiques. Elles vont ressurgir très vite et François Hollande qui a pris des engagements sur l'inversion de la courbe du chômage, ne se débarrassera pas du dossier en évitant d'en parler. L'économie va revenir au cœur du débat. Les sondages, menés en périphérie du sujet, sur le rapport à la démocratie par exemple nous le renvoient en miroir. Oui, nous disent-ils, face à la menace terroriste, nos institutions fonctionnent, l'État riposte. Mais son rôle protecteur ne s'étend pas à l'économie où le discours se substitue à l'action. La tentation de nos dirigeants, dans ce contexte complexe, est de se replier sur le régalien, l'État nation, l'identitaire pour redonner du sens à leur action. »

    SOURCE / Les Français se sont installés dans la défiance du politique - 07/01/2016 - La Nouvelle République(Morceaux choisis)

    A lire aussi :

    Alternative Libertaire

    DESSIN : Alternative Libertaire / janvier 2016 / http://www.alternativelibertaire.org/


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    Chérie je vais a charlieLe deuil impossible de Maryse Wolinski

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    <details class="signature" open=""> <summary></summary> MURIEL STEINMETZ / L'Humanité du 07.01.2016 </details>

     

     

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    CHÉRIE, JE VAIS À CHARLIE, de Maryse Wolinski.Le Seuil, 136 pages, 15 euros.

    </figcaption> </figure>

    Son mari, notre ami le dessinateur Georges Wolinski, est mort le 7 janvier 2015, assassiné par les frères Kouachi lors de la tuerie de Charlie Hebdo. Ce jour-là, lui et Maryse devaient se retrouver à 16 heures pour visiter un nouvel appartement dans lequel ils comptaient emménager bientôt. Chérie, je vais à Charlie, titre du livre qui paraît ces jours-ci, sont les derniers mots que Georges lui a dits avant de partir. « Quarante-sept ans de vie commune fracassés » et une question lancinante : « Comment une scène de guerre a-t-elle pu se produire, en France, dans les locaux d'un journal satirique ? » Ils s'étaient rencontrés en 1968 au Journal du dimanche. Il était veuf, père de deux filles.

    Maryse évoque ses années de bonheur auprès de ce « gauchiste féministe ».

    Elle était alors une toute jeune journaliste. Ils se marieront trois ans plus tard, auront une fille, Elsa. Maryse évoque ses années de bonheur auprès de ce « gauchiste féministe » qui lui apprend l'humour et l'irrévérence. Elle revient sur ce jour maudit où tout a basculé. « J'ai commencé mes investigations lorsque la colère est montée, après la sidération », écrit-elle. Ces derniers temps, Georges était soucieux, parfois angoissé.

    « Pressentait-il le danger ? » Maryse Wolinski pointe les failles dans la sécurité du journal. Charlie Hebdo n'était pas suffisamment protégé. Dès le mois de novembre 2014, « le fourgon de surveillance devant l'immeuble avait disparu ». « Franck Brinsolaro, le garde du corps de Charb, son "épaule", avait confié à sa femme qu'il sentait venir la catastrophe. » Pourquoi le dispositif de protection a-t-il été allégé malgré l'intensification des menaces contre Charb ? Autant de questions soulevées par ce livre bouleversant qui donne aussi la parole à des témoins qu'on n'a encore jamais entendus.

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  • Charlie un an aprèsEditorial de Patrick Apel-Muller / L'Humanité du 07/01/2016

     

     

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    Ils ne sont plus Charlie. Oubliés les protestations de fraternité, le refus des amalgames, l'exaltation de l'arme démocratique. On voyait, ce 11 janvier 2015, des responsables politiques jouer des coudes pour apparaître au premier rang des chefs d'État. Aujourd'hui, les mêmes se bousculent pour grimper l'escalier sécuritaire, surenchérir sur les mesures policières ou les symboles ravageurs comme la déchéance de la nationalité ou l'apatridie. Les voilà qui font mine de déplorer l'essor du Front national tandis qu'ils en justifient les thèmes les plus brutaux. « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes », écrivait Bossuet...

    La communion générale autour de l'autel de la liberté d'expression s'est vite dispersée et, tandis que des magnats mettaient la main sur l'essentiel de la presse d'information générale, l'audiovisuel se réinstallait dans la censure sourde des idées contestatrices dont témoigne par exemple la quasi-exclusion de notre titre des antennes du service public.

    Coco  va mieux - L\'Humanite du 07.01.2016Et pourtant, Charlie n'est pas mort. Si la lueur du journal satirique luit encore malgré les rafales meurtrières, c'est aussi que court toujours, en mille ruisselets, l'esprit de liberté, d'égalité et de fraternité qui s'était alors rassemblé. En témoignent les protestations contre les discriminations portées par la déchéance de nationalité pour les binationaux, les mobilisations naissantes contre l'éternisation de l'état d'urgence dans la Constitution, la réticence de nombreux progressistes d'emboîter le pas cadencé de l'état de guerre que proclame matin, midi et soir le premier ministre.

    La sidération et le réflexe d'autodéfense induits par les sanglants attentats du 13 novembre ou la confusion entre besoin de sécurité et ordre sécuritaire ne perdureront sans doute pas. Et seront alors mieux entendues les voix qui réclament plus de république, plus de démocratie, plus de solidarité et de partage. Celles de ceux qui sont toujours Charlie.

    Dessins : Sine Mensuel n°49 - janvier 2016

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  • Savent-ils au moins ce qu’ils ont fait ? Savent-ils qu'en déployant leur arsenal sécuritaire - proclamation de l'état d'urgence, projet de loi visant àconstitutionnaliser cet état d'urgence soumis au conseil des ministres du 23 décembre puis au vote de cette nouvelle loi dans les semaines àvenir -, ils ont donné des allumettes àun pyromane ?

    Sine mensuel janv 2016 1Sine mensuel janv 2016 2

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    François Hollande et Manuel Valls viennent de faire passer la France d'un État de droit à«un État de sécurité»comme l'écrit le philosophe Giorgio Agamben* pour qui «l'état d'urgence n'est pas un bouclier qui protège la démocratie. Au contraire, il a toujours accompagnéles dictatures et a même fourni un cadre légal aux exactions de l'Allemagne nazie ». Tout est dit.

    Et pourtant ce n'est pas faute de les avoir mis en garde, conseillés, exhortés àne pas faire le jeu de la droite, voire de l'extrême droite. Mais le président de la République et le Premier ministre n'entendent rien, ne voient rien. Ni le danger de telles mesures, ni le mur de protestations qui se dresse devant eux, bâti par des démocrates qui se sont associés pour gâcher la fête martiale des partisans aveugles de ces mesures liberticides. Ainsi, le Syndicat de la magistrature (SM) rappelle que «lutter contre le terrorisme, c'est d'abord protéger nos libertés et nos institutions démocratiques en refusant de céder àla peur et àla spirale guerrière. L'État de droit n'est pas l'État impuissant ». Ainsi un militant écolo, un des assignés àrésidence, a poséune Question prioritaire de constitutionnalité, mettant en cause la conformitéde ce dispositif avec les droits et libertés constitutionnellement garantis.

    Les « gardiens de la Constitution » sont venus au secours de l'exécutif en affirmant ne rien voir d'anticonstitutionnel dans ces assignations. Et voilàHollande et Valls sauvés par la droite.

    La Ligue des droits de l'homme, une des premières àhurler contre la prolongation de l'état d'urgence, vient de signer, avec 87 associations et 15 syndicats l'appel «Nous ne céderons pas ».

    «Après la prorogation de l'état d'urgence et l'extension des pouvoirs de police [...], il nous paraît essentiel de rappeler que rien ne doit nous faire sortir de l'État de droit et nous priver de nos libertés.

    L'état d'urgence ne peut devenir un état permanent et les conditions de sa mise en œuvre ne sauraient entraver la démocratie sociale, l'exercice de la citoyennetéet le débat public. »Enfin, qui plus est, la commission des lois de l'Assemblée nationale qui a votéla prolongation de l'état d'urgence àl'unanimitémoins six voix (dont Pouria Amirshahi, a décidéde recenser toutes les opérations de police, interpellations, assignations, perquisitions avec une obstination de comptable. Le président de la commission, Jean-Jacques Urvoas (PS), s'interroge, en effet, sur le contrôle parlementaire des mesures prises pendant l'état d'urgence, sur le décalage entre le récit des perquisitions dans la presse et les réponses du ministère de l'Intérieur. Alors, si en plus des syndicats, des avocats, des magistrats, des associations et des défenseurs des libertés, les députés s'inquiètent...

    C'est dire qu'il est urgent de contrôler l'état d'urgence. Et de rassembler ceux qui résistent àla politique de la peur.    

    MARIE CIGALI, Sine Mensuel n°49 - janvier 2016 (qui consacre un dossier de plusieurs pages à la question de l’Etat d’Urgence)

    * Le Monde du 24 décembre 2015.


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  • SOURCE : LE MONDE | 05.01.2016 | Par Jean-Baptiste Jacquin

    C’est un important renforcement des pouvoirs du parquet, de la police et des préfets dans la lutte antiterroriste que le gouvernement est décidé à mettre en œuvre, selon le projet de loi qu’il a transmis au Conseil d’Etat et que Le Monde a pu consulter. Malgré la succession de lois antiterroristes depuis vingt ans, et notamment celle de novembre 2014 et celle sur le renseignement de juillet 2015, le gouvernement de Manuel Valls est convaincu que la police dispose d’outils insuffisants face à la menace terroriste. D’où la déclaration de l’état d’urgence le soir même des attentats de Paris et Saint-Denis, le 13 novembre.

    Police partout

    Lire aussi : Les pouvoirs de police renforcés pour se passer de l’état d’urgence

    Dans le texte transmis au Conseil d’Etat, le gouvernement explique donc vouloir« renforcer de façon pérenne les outils et moyens mis à disposition des autorités administratives et judiciaires, en dehors du cadre juridique temporaire mis en œuvre dans le cadre de l’état d’urgence ». Le projet de loi « renforçant la lutte contre la criminalité organisée et son financement, l’efficacité et les garanties de la procédure pénale » ne devrait pas être prêt avant début février.

    Dans ce projet de loi initialement prévu pour ne concerner que la procédure pénale a été introduit un certain nombre de dispositions voulues par le ministère de l’intérieur après les attentats du 13 novembre. Avec pour objectif « d’obtenir des outils performants susceptibles de réduire la nécessité de l’état d’urgence », décrypte un proche du dossier.

    Des procédures d’exception dans le droit commun

    Exemple : les perquisitions de nuit peuvent être décidées par les préfets dans le cadre de l’état d’urgence alors qu’en temps normal elles sont réservées aux informations judiciaires, donc décidées par un juge d’instruction – les locaux d’habitation en étaient en outre exclus. Désormais, elles pourront être ordonnées dès l’enquête préliminaire dans des affaires de terrorisme, y compris dans les logements, et seront même possibles de façon préventive lorsqu’il s’agira de « prévenir un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique ». Les pouvoirs de la police judiciaire sont ici considérablement renforcés. Néanmoins, on reste éloigné des mesures propres à l’état d’urgence.

    Mais la tendance est bien au glissement des méthodes du renseignement vers l’antiterrorisme, de celles de l’antiterrorisme vers le crime organisé, puis du crime organisé vers la délinquance ordinaire. La France s’accoutume de certaines procédures d’exception au point où elles se retrouvent dans le droit commun.

    Les policiers, prévoit le texte, pourront désormais fouiller les bagages, les voitures, et contrôler l’identité de n’importe qui. Il fallait jusqu’ici une présomption d’infraction, ou une autorisation sur un périmètre délimité et une durée limitée des parquets. Désormais, les gardiens de la paix y seront autorisés, en cas de suspicion d’activité terroriste, à la seule demande des préfets.

    Par ailleurs, les forces de l’ordre peuvent aujourd’hui retenir une personne sans pièce d’identité pendant quatre heures. La nouveauté, c’est qu’elles pourront aussi le faire si cette personne, même mineure, et hors la présence d’un avocat, a une pièce d’identité. A la condition assez floue qu’il y ait « des raisons sérieuses » de penser qu’elle a un lien avec une activité terroriste.

    Le projet de loi assouplit les règles d’engagement armé des policiers au-delà de la légitime défense. Ils pourront utiliser leur armelorsque cela apparaît « absolument nécessaire pour mettre hors d’état de nuire une personne venant de commettre un ou plusieurs homicides volontaires et dont il existe des raisons sérieuses et actuelles de penser qu’elle est susceptible de réitérer ces crimes dans un temps très voisin des premiers actes ».

    Autre innovation, la création d’une assignation à résidence et d’un contrôle administratif, hors état d’urgence, pour les personnes revenant d’Irak ou de Syrie, ou seulement soupçonnées d’avoir « tenté de se rendre sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes ».

    Les nouveaux outils à la disposition de la police s’accumulent. Mais, le gouvernement ne parviendra pas à la faire adopter avant la fin de l’état d’urgence, le 26 février. A moins qu’il ne soit prolongé en attendant.

     Jean-Baptiste Jacquin  Journaliste 

    En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2016/01/05/antiterrorisme-le-gouvernement-veut-etendre-les-pouvoirs-de-la-police


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