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<details class="signature" open=""> <summary></summary> Paule Masson / Editorial de l'Humanité du 08/01/2016 </details>
La République dénaturée ! | L'Humanité
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François Hollande prononçait hier des voeux de « fermeté, réactivité, unité » aux forces de police au moment même ou un kamikaze armé d'un couteau forçait la porte du commissariat du 18e arrondissement de Paris et était abattu.
Un an jour pour jour après l'attentat contre Charlie Hebdo, la conjonction des deux événements a offert un condensé du climat d'anxiété qui alimente à la fois le ressort de la peur et l'engrenage des réponses sécuritaires.
« La haine, c'est l'hiver du coeur », disait Victor Hugo. Le terrorisme s'en nourrit. Il ne craint pas l'escalade mais la démocratie. L'exécutif martèle que nous sommes « en guerre » et justifie la mise en place d'un arsenal inédit de mesures répressives au nom de la République. Pauvre République, si généreusement née en 1792, si sévèrement dénaturée aujourd'hui ! Cette année 2015 l'aura balafrée de toute part, dans un retournement de valeurs assez édifiant : l'ordre contre la démocratie, la police contre la justice, l'état d'urgence contre la liberté, le rejet de l'autre contre la fraternité.
L'idée de République rassure parce qu'elle incarne dans notre imaginaire collectif une idée très positive du vivre-ensemble.
Mais trois décennies de démissions face aux inégalités, aux discriminations, à la précarité, à l'assèchement des services publics lui ont fait perdre beaucoup de crédibilité. Les frères Kouachi, Amedy Coulibaly et plusieurs des tueurs du 13 novembre étaient des enfants de France.
On peut, comme ne cesse de le faire Manuel Valls, couper court au débat sur les causes en rejetant sur eux la faute de leur basculement. Heureusement, la plupart des personnes que la société a laissées sur le bord de la route ne deviennent pas des terroristes.
Mais si la République est encore notre bien commun, alors, le débat doit s'ouvrir sur son avenir et les valeurs qui la façonnent, même quand un danger menace. Le chantier est immense mais celui-là, au moins, en appelle à l'intelligence citoyenne, à une refondation de la politique et reprend langue avec l'espoir.
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L’année 2015 a été marquée contradictoirement par la réappropriation par les citoyens des symboles de la République pour défendre la liberté, et la dérive sécuritaire du pouvoir menée en son nom, avec le projet de constitutionnaliser l’état d’urgence et la déchéance de nationalité.
Sébastien Crépel / Jeudi, 7 Janvier, 2016 / L'Humanité
Quand retentissent les coups de feu dans les locaux de Charlie Hebdo, au matin du 7 janvier 2015, les Français ne savent pas encore que l’année qui commence sera placée sous le signe d’un double phénomène. Celui des retrouvailles de tout un peuple célébrant la liberté face à l’intolérance qui culmineront après les attentats du 13 novembre.
Et celui d’une dérive sécuritaire du pouvoir inégalée jusqu’alors, porteuse de dangers liberticides avec le projet de constitutionnaliser l’état d’urgence, et de germes d’intolérance avec celui d’y adjoindre la possibilité de déchoir de leur nationalité française tous les binationaux, ce qui entérinerait l’existence de deux catégories de Français.
Le point commun de ce mouvement contradictoire : l’invocation, dans un cas comme dans l’autre, de la nécessité de défendre la République et ses « valeurs », pour vaincre la peur et le risque du repli sur soi d’un côté, pour faire « la guerre contre le terrorisme » de l’autre, une expression ressassée dans une véritable opération de communication et de propagande du gouvernement.
Derrière l’unité, une République qui montre ses fractures...
Lire la suite : Depuis Charlie, la République a vécu le meilleur comme le pire | L'Humanité
Ou bien en PDF : Depuis Charlie la République, le meilleur et surtout le pire
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Jeudi, 7 Janvier, 2016Humanite.frEn 2016, Pierre Laurent, secrétaire national du PCF entend "dépenser tous ses efforts pour que nous ayons un candidat de gauche, sur un projet de gauche, sur les valeurs de la gauche" et "ce candidat ne peut pas être un candidat qui propose la déchéance de la nationalité, une loi Macron 2 et la casse du code du travail", a-t-il déclaré sur Sud Radio et Public Sénat."Il faut un candidat dans lequel se reconnaissent les socialistes, les écologistes, les gens du Front de gauche, les communistes, qui soit un véritable candidat de gauche", a insisté le secrétaire national du PCF ce jeudi sur Sud Radio et Public Sénat.Pierre Laurent craint que la gauche ne soit "pas présente" à l'élection présidentielle, et a dit souhaiter un "candidat" avec un "programme" et des "valeurs de gauche" qui ne saurait, à ses yeux, être François Hollande. "Sinon, nous risquons d'aller à l'élection présidentielle sans candidat de gauche. Parce que si on enferme le débat des Français dans une présidentielle où il y a Marine Le Pen, un candidat de droite et François Hollande, pour moi ça veut dire que la gauche n'est pas présente", a estimé le sénateur de Paris.M. Hollande n'est pas de gauche ? "Son programme actuel, le programme qu'il met en oeuvre tous les jours n'est pas un programme de gauche", a répondu Pierre Laurent. Il a rappelé que les parlementaires communistes voteraient contre le projet inscrivant l'état d'urgence dans la loi fondamentale et élargissant les possibilités de déchéance de nationalité pour les criminels terroristes.
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SOURCE : 7/9 janvier : un an après, comment lutter contre le terrorisme ? | Ensemble (EXTRAITS)
La société française n’est pas la seule impactée par ce phénomène international, mais la façon dont celle-ci va évoluer et y répondre dans les prochaines années peut contribuer ou non à le faire reculer ou lui donner plus d’espace politique.
Ce qui suppose un débat plus sérieux et exigeant que la dangereuse initiative politicienne de François Hollande sur la déchéance de nationalité. Sans épuiser toutes les questions, une véritable politique qui permette de répondre au terrorisme devrait reposer sur plusieurs réponses complémentaires :
- Un soutien massif et déterminé aux peuples notamment kurdes, syriens et irakiens qui sont en première ligne dans la lutte contre l’État Islamique. Cela suppose pour la Syrie de refuser toute solution politique qui permettrait le maintien au pouvoir de Bachar El Assad qui mène une guerre inhumaine contre son peuple bien plus meurtrière d’ailleurs que l’État Islamique. Il faut faire prévaloir les intérêts des peuples et l’action propre de leurs forces de résistances et en finir avec les multiples ingérences étrangères qui essaient de s’imposer dans la région. Les actions des multiples coalitions, que ce soit celle menée par les Etats-Unis, avec la participation de la France, de l’Arabie Saoudite, de la Turquie, ou celle menée par la Russie avec l’Iran en soutien à Bachar El Assad, contribuent à alimenter le chaos régional et renforcent l’État islamique qui se présente comme une force de résistance.
- Il est essentiel de préserver les cadres démocratiques existant (aussi limités soient-ils par rapport à ce qui serait nécessaire…) qui existent en France comme en Europe. La réponse aux attentats terroristes et à la possibilité de nouvelles menaces ne peut être de s’enfermer dans une logique de guerre civile et de suspicion vis-à-vis d’une partie de la population. La révision constitutionnelle qui vise à imposer un état d’urgence permanent, la déchéance de nationalité, tout comme le nouveau projet de loi antiterroriste présenté début janvier qui étend les pouvoirs de police, constituent des régressions démocratiques inacceptables et des mesures inefficaces. Les mesures discriminatoires et islamophobes, comme les fermetures abusives de Mosquées, les assignations à résidence sans fondement, doivent cesser. De véritables moyens doivent être mis dans la prévention de nouveaux attentats à travers le renforcement des moyens de renseignement de la police, le recrutement d’effectifs qualifiés suffisants, des moyens donnés à la formation nécessaire pour faire face à cet enjeu mais aussi avec la reconstruction des services publics sur tous les territoires, le désengorgement des prisons inhumaines qui sont toujours la « honte de la République »…
- Enfin, il est essentiel de reconstruire un horizon, un avenir commun qui ne se réduise pas au repli national ou à l’exaltation de la force ou de l’argent.
À la fin du 19ème siècle, l’émergence de la perspective socialiste et du mouvement ouvrier en Europe avait supposé de dépasser les nécessaires revendications économiques catégorielles pour défendre une perspective « universelle » pour l’ensemble de la société.
C’est ce travail de formulation d’un avenir commun, d’une visée émancipatrice qui est plus que jamais nécessaire pour contester et faire reculer les idéologies de haine, de choc des civilisations, d’exaltation d’une identité purifiée qu’elle soit nationale, religieuse… et qui progressent dangereusement aujourd’hui.
François Calaret
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Le tour néoconservateur pris par le gouvernement Hollande avec le projet de déchéance de nationalité, le projet de réforme de la procédure pénale et celui de constitutionnaliser l’état d’urgence s’accompagne de la fermeture de lieux de culte musulman, que ce soit des mosquées ou de simples salles de prières.
D’après le journal Le Monde (30/12/2015), la préfecture de police des Alpes-Maritimes justifie ces fermetures comme étant des mesures « préventives » destinées à « dessiner un islam modéré » dans notre pays, ces lieux étant réputés diffusant un islam « contraire aux valeurs de la République ». Quoi de plus normal, cela sera sans doute la réaction première de la plupart des lecteurs. Et pourtant… Car si les imans de ces mosquées, ou des individus qui s’y trouvaient, étaient suspectés de préparer des attentats ou de faire l’apologie du terrorisme, de prêcher la haine et l’antisémitisme, les autorités auraient enclenché, à juste titre, des poursuites judiciaires. Or, comme le rapporte Le Monde, aucune procédure judiciaire n’a été entamée.
La seule justification de ces mesures reste donc la volonté de combattre un islam « contraire aux valeurs de la République » et de « dessiner un islam modéré » contre le fondamentalisme. Remplaçons un instant « islam » par « christianisme » ou « judaïsme ». Est-ce le rôle de l’État de promouvoir un judaïsme ou un christianisme modéré ? À ce que l’on sache, le gouvernement n’a pas fermé l’église Saint-Nicolas du Chardonnet occupée illégalement depuis des décennies par les intégristes catholiques qui multiplient pourtant les actions plus ou moins violentes contre des centres IVG ou contre des spectacles qui dérangent leur conception du monde. Nous n’avons pas non plus connaissance de mesures prises contre les sectes intégristes juives dont le respect des valeurs de la République n’est pas évident au premier abord. De même, les gouvernements français de l’époque n’avaient pas fermé les églises alors même que les curés, au nom d’un christianisme réactionnaire, tonnaient en chaire contre « la gueuse », la République, tout en fricotant avec les monarchistes.
C’est que la loi de 1905 est avant tout une loi de séparation des églises et des institutions publiques. Et la séparation s’effectue dans les deux sens.
Les églises doivent certes renoncer à vouloir imposer leurs dogmes à la société – et encore récemment, on a vu que cela n’allait pas de soi lors de la loi sur le mariage pour tous où les religions, à l’exception notable du protestantisme, ont retrouvé leur comportement dominateur. Mais l’État doit aussi renoncer à régimenter les cultes. Un État laïque n’a rien à dire sur ce que doit être le dogme religieux. Il n’a pas à intervenir sur la façon dont les croyants vivent leur foi. Imagine-t-on un gouvernement légiférer sur la messe en latin ou sur le port d’une perruque pour les femmes juives orthodoxes ? Par contre, que la puissance publique puisse dire ce qui est ou pas acceptable dans l’islam ne semble pas choquer grand monde.
C’est qu’il s’agit là d’une histoire qui vient de loin. Il faut rappeler que la loi de 1905 n’a jamais été appliquée dans les colonies françaises, et notamment en Algérie, et ce malgré la demande des responsables musulmans.
Les autorités coloniales préféraient en effet maintenir un contrôle étroit sur tous ceux qui étaient soumis au code de l’indigénat, à tel point que le terme musulman a pris à l’époque une connotation ethnique. Ainsi, la cour d’appel d’Alger a statué en 1903 que le terme musulman « n’a pas un sens purement confessionnel, mais qu’il désigne au contraire l’ensemble des individus d’origine musulmane qui, n’ayant point été admis au droit de cité, ont nécessairement conservé leur statut personnel musulman, sans qu’il y ait lieu de distinguer s’ils appartiennent ou non au culte mahométan ». Le refus d’appliquer les lois de la République aux musulmans a été une constante et, hélas, l’empreinte du colonialisme n’a pas disparu puisque l’État continue à vouloir avoir son mot à dire sur la religion musulmane.
Mais nous dira-t-on, ces fondamentalistes musulmans sont des terroristes en puissance. Outre que, comme l’a montré le sociologue Raphaël Lioger, le fondamentalisme islamique est pour une grande part anti-djihadiste, les salafistes piétistes étant absolument contre le jihad au sens où ce terme est aujourd’hui couramment employé, dans un État de droit, on ne punit pas des intentions supposées mais des faits prouvés. De plus, en supposant même que des personnes fréquentant des lieux de cultes fondamentalistes puissent avoir des velléités de djihadisme, comment penser que la fermeture de lieux de culte sera efficace pour les empêcher de passer à l’acte, alors même l’embrigadement se fait de façon express sur internet.
Les idées portées par l’intégrisme religieux sont effectivement contraires à toute perspective d’émancipation et à l’existence même d’une société démocratique. Comment les affronter et empêcher leur développement ? La force de l’intégrisme religieux tient à sa capacité à donner un sens global à la vie des individus qui embrassent la foi. Le combattre suppose de faire vivre concrètement un autre imaginaire social.
Dans une société où la concurrence entre individus est promue comme valeur suprême, où la compétitivité devient l’objectif majeur de la vie sociale et où la devise louis-philipparde « enrichissez-vous » semble le seul horizon, c’est en promouvant pratiquement dans la réalité sociale les valeurs de solidarité, d’égalité, de justice que sera asséché le terreau de l’intégrisme. Tout le contraire de ce que fait le gouvernement actuel.
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