-
Un livre : 2084, et un texte à méditer
" La thèse était qu'un régime absolutiste ne pouvait exister et se maintenir que s'il contrôlait le pays jusque dans ses pensées les plus intimes, chose irréalisable car, malgré tout ce qu'il était possible d'inventer en matière de contrôle et de répression, un rêve réussirait un jour à prendre forme puis à s'évader, et alors on verrait naître une opposition, là où on ne l'attendait pas, renforcée dans le combat clandestin, et le peuple qui naturellement se porte à accorder sa sympathie à ceux qui combattent la tyrannie la soutiendrait dès lors que la victoire lui paraîtrait une hypothèse crédible.
Le moyen pour le pouvoir de conserver son absolutisme était de prendre les devants et de créer lui-même cette opposition puis de la faire porter par de véritables opposants, qu'il créerait et formerait au besoin et qu'il occuperait ensuite à se garder de leurs propres opposants, des ultras, des dissidents, des lieutenants ambitieux, des héritiers présomptifs pressés d'en finir, qui de partout surgiraient comme par miracle.
Quelques crimes anonymes par-ci par-là aideraient à entretenir la machine de guerre. Être son propre ennemi, c'est la garantie de gagner à tous les coups.
La chose était certainement difficile à mettre en place mais une fois lancée elle tournerait d'elle-même, tous croiraient à ce qu'on leur donnerait à voir et personne n'échapperait à la suspicion ni à la terreur. Et de fait, beaucoup mourraient de coups qu'ils ne verraient pas venir.
Pour que les gens croient et s'accrochent désespérément à leur foi, il faut la guerre, une vraie guerre, qui fait des morts en nombre et qui ne cesse jamais, et un ennemi qu'on ne voit pas ou qu'on voit partout sans le voir nulle part." (page 104)
-
Commentaires