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Résolution politique adoptée par le CN du Parti de Gauche des 16 et 17 janvier 2016
Les élections régionales ont clos d’une sombre manière une année 2015 déjà dramatique. Elle fut marquée par deux épisodes sanglants avec les tueries de Charlie Hebdo, de Montrouge et de l’Hyper-Casher et les attentats du 13 novembre dernier, frappant au cœur le peuple français.
Ces attentats, visant à diviser notre peuple, ont traumatisé les esprits et alimenté les thèses fascisantes. A la suite de ces événements, les mesures permettant d’assurer la sécurité du pays ont été poussées bien au-delà du nécessaire par un gouvernement pressé de capitaliser sur un sentiment de peur légitime. C’est le cas de la constitutionnalisation de l’état d’urgence et de la déchéance de la nationalité, propositions idéologiques empruntées au Front national, inaptes à lutter efficacement contre le risque d’attentat.
Une ambiance anxiogène a gagné le pays. Elle a notamment polarisé la campagne des élections régionales autour de la question sécuritaire et a occulté un climat social exacerbé pourtant par l’affaire « Air France ». Elle a fait le jeu d’un Front national sans solution crédible, et renforcé un vote légitimiste pour le gouvernement. Dans une crise politique toujours plus forte, le Front national atteint un nombre de voix supérieur à celui des présidentielles et ce avec une abstention massive (un électeur sur deux, 70% des moins de 35 ans, ne s’est pas déplacé au premier tour des élections régionales). De son côté, jouant de sa position majoritaire pour incarner le rempart à l’extrême-droite et la droite, le Parti socialiste ne s’est pas effondré et résiste en rassemblant un électorat de gauche qui n’adhère pas pour autant à la politique du gouvernement.
Dans ce contexte, incapables d’incarner une alternative crédible et utile, les listes de « l’autre gauche » subissent un échec majeur, rassemblant moins d’un quart des voix de ce même espace politique aux élections présidentielles de 2012 et ne dépassant la barre des 10% que dans une seule région : Languedoc-Roussillon - Midi-Pyrénées.
L’échec de l’« autre gauche »
Une première raison de cet échec est sans aucun doute son incapacité à représenter une force politique homogène, cohérente et en dynamique sur tout le territoire.L’éclatement des formules d’alliance, la division des forces, la multiplicité des propositions et des programmes, le refus d’accepter, notamment de la part d’EELV, la mise en place d’un cadre national intégré et d’une représentation équilibrée et diverse ont retiré à l’ « autre gauche » toute visibilité et toute capacité d’entrainement. Un même constat avait pourtant déjà été tiré lors des élections départementales. C’est d’autant plus dramatique que, pour la première fois, toutes les forces concernées avaient choisi de construire des listes autonomes de celles du Parti socialiste pour les élections régionales. Les conditions étaient donc réunies. L’échec n’en est que plus cuisant.
La responsabilité la plus importante, dans la durée, incombe au Front de Gauche. Cette situation dure malheureusement depuis plusieurs scrutins.C’est la conséquence de l’échec à transformer la force électorale conséquente de 2012 en une force populaire, ouverte, dépassant la simple addition des formations politiques qui la constituent. Ce fut malheureusement le cas dès les élections législatives avec la dispersion d’une cohérence nationale dans autant de campagnes locales. Mais cela s’est produit encore davantage lors des élections municipales quand la cartellisation du Front de Gauche l’a rendu otage des alliances du PCF avec le PS, abandonnant notre exigence d’autonomie et de visibilité. Bien sûr les élections européennes ont permis de retrouver une plus grande cohérence. Mais l’élan qui nous avait porté en 2012, toujours vivace dans les grandes marches du début du quinquennat Hollande, a subi un coup terrible dont il ne parvient pas, depuis, à se remettre.
Il aurait pourtant été possible de faire autrement en acceptant d’engager la structuration et l’ouverture du Front de Gauche comme une force politique nouvelle, permettant les adhésions directes, la mise en place d’assemblées citoyennes délibératives sur tout le territoire et de structures nationales ayant de véritables pouvoirs de décisions.
C’était le sens de nos propositions de l’époque. Elles furent refusées, notamment en raison de la crainte du PCF de perdre son identité dans un nouveau mouvement. Le Front de Gauche a raté là une occasion historique. Ainsi, il est devenu une formule électorale, n’ayant pas d’existence propre en dehors des scrutins, incapable de crédibiliser de nouvelles propositions et de constituer une force politique en mesure de faire reculer le gouvernement, d’incarner une alternative sérieuse aux politiques d’austérité.
Notre congrès avait choisi d’œuvrer au dépassement du Front de Gauche dans des formules nouvelles, permettant une implication citoyenne et prenant à bras le corps une exigence démocratique pour s’adresser au plus grand nombre. Si cette stratégie a permis des avancées intéressantes (mise en place d’assemblées représentatives et de chartes éthiques et démocratiques, généralisation de nouvelles méthodes de militantisme), elle n’a pas réussi à enclencher une dynamique nouvelle. Les tentatives de listes de "mouvement citoyen" poussant jusqu’au bout et de façon autonome cette méthode n’ont pas été une réussite tant électorale qu’en termes d’implication citoyenne réelle.
C’est dans ce contexte de faiblesse que nous avons dû aborder la question du second tour.Les listes dans lesquelles nous étions engagés au premier tour ont décidé de fusionner techniquement. Nous étions donc devant le choix de retirer nos candidats ou d’avoir une représentation clairement autonome du PG. C’est ce qui a été tenté dans les 4 régions où nous étions en capacité de le faire et réalisé finalement dans trois après le refus des autres partis de gauche de respecter nos conditions en Normandie. Et c’est pourquoi nos 3 élus PG dans la région Languedoc-Roussillon - Midi-Pyrénées ont aussitôt refusé de voter pour la présidente socialiste de la région. Néanmoins les décisions de fusion technique ont été difficiles et ont donné lieu à de nombreux débats. Elles nécessiteront d’être réinterrogées avant les prochaines élections intermédiaires.
Les conditions politiques de la période ont été difficiles, plus particulièrement suite aux attentats du 13 novembre qui ont conduit à la suspension de la campagne pendant plusieurs jours.
Mais il est impossible de ne pas souligner aussi la difficulté de notre camp à se transformer, à rompre avec les habitudes du passé, à inventer de nouvelles formules d’engagement pour répondre à la situation politique. Il ne peut en effet suffire d’attendre un sursaut sans réfléchir à la stratégie et aux pratiques militantes qui permettent de susciter une prise de conscience, puis l’implication politique, ou de susciter l’engagement en politique des personnes mobilisées dans leurs associations, au sein de réseaux, de collectifs ou de leurs quartiers qui pour l’instant refusent le cadre traditionnel des partis. Nous sommes-nous donnés suffisamment les moyens de penser et de nous approprier les méthodes de l’éducation populaire pour impliquer plus largement, réinterroger nos postures militantes et ne pas les réduire à de la propagande ? Avons-nous réellement travaillé nos ancrages locaux, territoriaux et sectoriels et notre implication dans les luttes sociales, écologiques et citoyennes ? Avons-nous suffisamment travaillé à la formation dans le parti et à la structuration des cadres de discussions locaux ? Avons-nous assez suscité la créativité dans l’agit’prop’ comme dans l’appropriation des nouveaux réseaux sociaux, nouveaux vecteurs de communication au service de la bataille culturelle ?
Voilà des questions auxquelles nous devons répondre. Car si depuis l’adoption du texte de 2010, « Le parti que nous voulons pour la Révolution citoyenne » nous avons cumulé de riches expériences, nous avons indéniablement d’immenses progrès à faire. C’est aussi une condition de notre succès car la suite s’écrira nécessairement sur une page neuve.
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