"Pourquoi une victoire du FN nous inquiète", titre sur toute sa une La Voix du Nord, à six jours du premier tour du scrutin. "La région a-t-elle vraiment besoin du Front national?", s'interroge aussi Nord Éclair. Les deux titres du groupe La Voix du Nord (VDN) publient la même double page. Selon un sondage BVA publié dimanche, Mme Le Pen l'emporterait au second tour le 13 décembre, en cas de triangulaire comme en cas de duel.
À quelques heures d'un meeting de Mme Le Pen prévu lundi soir à Lille, La Voix du Nord expose ses arguments: "Parce que nous ne portons pas les mêmes valeurs" que le FN, "parce qu'il n'a pas l'expérience", "parce que la région est naturellement ouverte" et pas repliée sur elle-même, et "parce qu'il menace la solidarité nordiste". Un deuxième "volet de l'enquête" paraîtra mardi.
"Une telle prise de position est exceptionnelle", a commenté Christian Delporte, historien des médias. "La presse quotidienne régionale, qui est par nature consensuelle et d'ordinaire très prudente, ne prend généralement pas position pour une élection nationale, et moins encore pour une élection locale ou régionale", a-t-il déclaré. Dans un éditorial, le directeur de la rédaction de La VDN, Jean-Michel Bretonnier, écrit qu'en cas de victoire du FN, "les ferments de la division seront à l'oeuvre, diffusés par un parti aux deux visages". "Il s'inscrit dans le jeu démocratique sans renoncer à sa radicalité; il adopte une posture "anti-établissement" en profitant du système", ajoute-t-il.
Cette initiative a reçu "l'approbation totale" de la direction générale du groupe, a indiqué M. Bretonnier. Début novembre, le grand patron nordiste Bruno Bonduelle avait déjà mis en garde contre "le repli sur soi" que signifierait selon lui une victoire de Mme Le Pen.
"J'ai le sentiment d'avoir fait mon métier de journaliste, qui est de rapporter des faits mais aussi de décrypter, d'aller au-delà des apparences", a déclaré M. Bretonnier. Il a rappelé que La Voix du Nord, journal fondé à la Libération, était au départ "le nom d'un réseau de la Résistance", qui ne pouvait notamment cautionner les propos du cofondateur du FN, Jean-Marie Le Pen, sur l'Holocauste.
L'équipe de campagne de Mme Le Pen "prépare un référé devant le TGI de Lille en cas de non-parution" du droit de réponse adressé au journal.