• Régionales : analyse du tsunami du premier tour ( https://www.ensemble-fdg.org/)

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    L'article complet analyse point par point, parti par parti, etc. Les résultats du premier tour. Mais pour ce qui nous concerne, un point de vue sur les résultats (très) décevants du premier tour de ces régionales est du plus grand intérêt !

    Le Front de gauche est globalement en panne

    Bien sûr, les comparaisons ne sont pas faciles avec un scrutin précédent où subsistaient dans quelques régions des logo_FdGconfigurations d’alliance avec le PS, telles qu’elles avaient été inaugurées par Robert Hue en 1998. La comparaison est d’autant plus malaisée que, dans deux cas (Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées et PACA), le PCF se trouvait dans une alliance de tout le Front de gauche et des Verts, avec deux têtes de listes écologistes. Si l’on additionne les cas où le PC ne regroupe pas tout le Front de gauche (0,4%), où il est à la tête de coalition de type Front de gauche (3,8 %) et les deux rassemblements avec les Verts (1,5 %), on parvient au total de 5,7 %. En 2010, le Front de gauche en avait obtenu 5,9 % alors qu’il n’était pas présent en tant que tel dans toutes les régions. Difficile de voir dans ce résultat global l’indice d’une progression. Même si les résultats sont intéressants en Normandie ou en Île-de-France…

    La comparaison est plus éclairante encore, si l’on met côte-à-côte le résultat de dimanche et celui des élections européennes de 2014. À l’exception de la Normandie et de l’Île-de-France, le PCF et le Front de gauche sont partout en retrait. En Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes et en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, la perte est d’un tiers du niveau initial, dans six autres cas la perte se situe entre un tiers et un cinquième. Or les européennes de 2014 étaient déjà elles-mêmes en retrait sur le score présidentiel précédent…

    Le résultat global est donc incontestablement décevant. D’ores et déjà, le FDG est au-dessous du seuil des 5% dans six régions françaises, où il comptait en tout 42 conseillers, sur les 127 qu’il avait fait élire nationalement, pour les trois quarts issus des rangs du PCF. Le Front de gauche pouvait espérer tirer avantage du glissement vers la droite du socialisme de gouvernement. Il n’en a rien été pour l’instant. Depuis le mois d’avril 2012, le Front de gauche ne cesse d’enregistrer des résultats en recul sur ce que laissait augurer le scrutin présidentiel, où Jean-Luc Mélenchon avait cristallisé l’aspiration à une gauche bien à gauche.

    Incontestablement, la conjoncture des dernières semaines ne lui a pas été bénéfique. Elle l’a été d’autant moins que la lisibilité du Front de gauche s’est avérée doublement incertaine. D’une part, dans trois régions, les composantes du FDG se trouvaient en concurrence les unes contre les autres, ce qui a créé un climat de malaise et de confusion. En outre, une confusion analogue s’est exprimée autour de l’état d’urgence, avec un groupe à l’Assemblée qui a voté le texte gouvernemental à l’unanimité, un groupe au Sénat qui s’est abstenu majoritairement et plusieurs composantes, dont le Parti de gauche et Ensemble, qui ont affirmé leur hostilité pure et simple. Or, manifestement, la question de l’état d’urgence a structuré à court terme l’espace politique, en valorisant les deux positions apparemment les plus cohérentes : celle du Front national (qui relie immigration, conflit de civilisation et état de guerre) et celle du gouvernement qui fait de "l’ordre" et de la "sécurité" une composante majeure du "nouveau socialisme" recentré. Face à ces deux pôles identifiables, le Front de gauche est apparu incertain ; or il s’agit d’un thème majeur en "Occident", depuis au moins septembre 2001 et la prégnance obsédante de la "guerre contre le terrorisme".

    Mais pourquoi se cacher que, au-delà du Front de gauche, nous nous trouverons au lendemain de cette séquence électorale devant un problème majeur ? Le regain de conflictualité sociale et de radicalité idéologique qui s’était amorcé au milieu des années 1990 (nous célébrons – très discrètement – le vingtième anniversaire du mouvement de novembre-décembre 1995) n’a pas restructuré en profondeur le paysage politique français. En tout cas, pas sur son flanc le plus à gauche… Le total de la gauche radicale et de l’écologie politique se trouve aujourd’hui à un niveau bien modeste (12,2%), bien loin des plus de 20% de 2010 et des 15% de la présidentielle de 2012.

    La gauche de gauche a été historiquement fragilisée par le déclin continu du PCF. Il se trouve que nulle force, avec lui ou sans lui, n’a su prendre la place qu’il avait laissée vacante. Au début des années 2000, les héritiers du trotskisme ont pu donner l’impression qu’ils prendraient la relève électorale d’un PCF nationalement essoufflé. Ce fut un déjeuner de soleil, que l’orientation étroite du NPA se chargea de renvoyer vers l’inconfort de la marginalité.

    Après l’échec du "courant antilibéral", entre 2005 et 2007, le Front de gauche a pourtant esquissé la possibilité d’une reprise. Pour l’instant, elle est au électoralement point mort. Sans doute les carences de rassemblement, les contradictions internes, les tentations du repli sur soi, les pesanteurs des jeux d’organisations ont-elles pesé et pèsent-elles lourdement encore. Mais, le problème, à la gauche de la gauche comme dans toute la gauche, n’est pas simplement un problème de rassemblement. Il est plus profondément dans la difficulté à incarner, à gauche et dans toute la société, un projet d’avenir qui soit tout à la fois ancré dans la vieille histoire de l’émancipation populaire et ouvert sur les sensibilités, les aspirations, les cultures et les pratiques d’aujourd’hui.

    Entre le renoncement et la répétition, nous n’avons pas bien su trouver la voie alternative. De ce fait, ce sont les modernités frelatées des technostructures ou les discours de la peur et de la xénophobie qui semblent incarner ce nouveau-là. Mais pendant ce temps, la crise continue, celle de la vie quotidienne pour les exclus de la croissance et celle de la démocratie elle-même, pour ceux qui ne peuvent plus peser, ni sur le cours du monde ni sur celui de leur propre vie.

    Or cette crise s’approfondira. Le FN attise le ressentiment et l’enfermement frileux et chauvin, mais au risque d’élargir "l’état de guerre" à la société tout entière. Quant au socialisme "macronisé", il peut attirer un temps ceux qui sont à la recherche d’une voie crédible face au Front national. Mais il atomise un peu plus les catégories populaires et il déstructure un peu plus la gauche dans ce qui fait historiquement sa force : ses valeurs populaires d’égalité, de liberté et de solidarité.

    RegardAuquel cas, le seul rempart contre le Front national est l’affirmation d’une gauche reconstruite, portée par une génération nouvelle de femmes et d’hommes. Une gauche appuyée sur ses valeurs fondatrices mais capable de les vivifier. Une gauche échappant à la malédiction des structures qui ne vivent que pour elles-mêmes, rompant avec les vieilles et stériles séparations du social, du politique et du symbolique. Une gauche, au fond, capable de faire suffisamment "mouvement" pour que les catégories populaires, déstabilisées, retrouvent enfin le goût de la mise en commun et de la vie civique.

    Roger Martelli. Publié sur le site de Regards. 

    http://www.regards.fr/web/article/regionales-le-tsunami


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