• Peur sur la ville ? par Jean Ortiz

    L 'Humanité Jean Ortiz Vendredi, 27 Novembre, 2015

    Je rentre de « PACA ». L’extrême droite s’est installée de façon feutrée... Pour beaucoup, « il se passera rien ».

    marionnnn maréchal nous voilàJe rentre de « PACA », plus précisément d’une tournée de diffusion du documentaire Gautier-Ortiz, « Compañeras ». Soit dit en passant, ce modeste docu militant, réalisé « en province », avec de petits moyens, remplit les salles et les débats sont vifs, passionnants. Ils conjuguent les enjeux de mémoire au présent, les ramènent à l’actuelle crise des valeurs, au champ de ruines que nous avons devant nous, à la nécessité de partir à la « reconquête »... Oui mais comment, avec qui ? Souvent, après ces soirées à ragaillardir les plus mous du popotin, je me dis qu’il y a bien, de la part des cocos, encore un déficit de l’offre... La demande de radicalité, d’antifascisme, d’utopies concrètes, de rupture avec le capitalisme, de société nouvelle, elle demeure bien vivante et s’exprime, plurielle, dans les salles. C’est l’offre qui ne me paraît pas à la hauteur requise.

    Mais ne passons pas de l’ânesse à la poule et revenons à notre propos initial.
    Je suis parti en « PACA » angoissé, hanté par des images chiliennes... que je retrouve en partie à la Fondation Maeght, au milieu d’une pinède, sur les hauteurs de Saint-Paul-de-Vence... Un tableau inquiétant de Gérard Garouste : « Le livre brûlé ». Que se passera-t-il si... Brûlera-t-on Chagall, Miro, l’art vivant... ? Coupera-t-on les crédits des Festivals à Grasse, Nice, Cannes... ? Ami entends-tu... Cela commence par une victoire électorale et cela peut finir comme nous le savons.
    Je croyais trouver une population traumatisée, eh bien non. Plutôt désabusée, voire exaspérée... elle rejette « le système », les « élites », l’establishment politique. J’interroge des passants, des qui font leurs courses au marché, des friqués, des désargentés... Pour le bouquiniste, « le père Le Pen sentait le souffre... Marion, elle, est clean »... L’extrême droite s’est installée de façon feutrée... Pour beaucoup, « il se passera rien ». « De toute façon, cela ne peut pas être pire... on a tout essayé». Le fromager, malgré mon insistance, nous met dans le même sac... « Tous pareils ». Et en plus, il me fourgue (bon prix !) un chèvre de L’Estérel je crois.
    Madeleine a peur, elle. « Les gens sont dans l’émotionnel, donc dans l’irrationnel, sans recul, sans perspectives »... Le magnifique village de Tourrettes abrite une « Impasse de l’horizon ». Métaphore ô combien pertinente.
    Madeleine ne croit pas qu’il puisse exister « un fascisme à visage humain ». « Je suis fille de Résistant ; ici on a eu Darnand, fondateur de la Milice ; une tradition d’extrême droite fascisante avant la guerre, un poujadisme fort, mais aussi une Résistance active, les maquis... Comment est-ce possible qu’aujourd’hui... ?» La montée du Front National est résistible ; oui : R.E.S.I.S.T.I.B.L.E. mais le parti socialiste en rajoute sur le tout sécuritaire...

    A Grasse, on m’explique que le tissu économique, essentiellement constitué dans les Alpes-Maritimes de petites entreprises sans organisations syndicales, exploite de nombreux immigrés, que la crise économique a déchiré, déstructuré, le tissu traditionnel local, poussant notamment à un vote antisystème... Ajoutons-y dans le Var, les Alpes Maritimes, le « Far West », l’omerta sur les pratiques de certaines vaches sacrées politiques, intouchables. Chantal, une sorte de cyclone permanent, peste : « Le parti (PCF) n’apparaît pas comme un élément de rupture ». Comme beaucoup de démocrates sincères, elle est partagée entre une certaine angoisse et la résistance à la résistible ascension du FN. Ce n’est pas inéluctable. Mais ici le racisme, l’insécurité, ont d’abord été manipulés par la droite, la tradition médeciniste, Estrosi... puis des socialistes notabilisés et peu convaincus ont emboîté le pas. On a largué la classe ouvrière...

    Les scénarios catastrophe ne sont certes pas à écarter. Ils sont instrumentalisés, par les uns et les autres, sont destinés à empêcher de penser. Ils peuvent être déjoués si l’on reste sur l’essentiel. Ne tombons donc pas dans le panneau ; restons vigilants, résistons, ouvrons des perspectives d’avenir, soyons « différents » dans nos paroles et dans nos actes. C’est ce que l’on attend de nous.

    Jean Ortiz

    SOURCE : http://www.pcf84danielecasanova.fr/2015/12/peur-sur-la-ville


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