• Le mauvais coup d'Erdogan

    ÉDITORIAL de Jean-Paul Piérot, l’Huma du 03/11/2015

    L'espoir qu'avaient fait naître chez les démocrates de Turquie les élections législatives de juin est aujourd'hui terni.

    Kurdes Turquie

    Puisque le peuple n'avait pas voté comme le souhaitait le gouvernement, il était invité, dimanche, à corriger le tir, au plus grand mépris de la démocratie. Recep Tayyip Erdogan, le chef de l'État, leader de l'AKP, parti islamiste et conservateur au pouvoir depuis 2002, se débarrasse encore un peu plus de l'héritage de Mustafa Kemal, le fondateur de la République en 1923, et s'inscrit dans la lignée des sultans de l'Empire ottoman, de l'ancien régime et son cortège de faste, d'arbitraire et de violence.

    Sur les rives du Bosphore, qui relie l'Europe et l'Asie, on se plaisait à rêver d'un pays où un écrivain comme Orhan Pamuk pourrait s'exprimer sur le génocide arménien sans encourir de peine de prison, où une élue comme Leyla Zana ne serait plus embastillée pour avoir parlé en kurde au Parlement. Les manifestants de la place Taksim faisaient d'Istanbul une capitale de la contestation de la jeunesse. Pour la première fois, un parti de gauche, le HDP, rassemblant des citoyens turcs et kurdes, faisait son entrée au Parlement et avec ses 13 % privait Erdogan des pleins pouvoirs qui lui auraient permis d'accélérer la présidentialisation dictatoriale du régime.

    Le gouvernement a préparé le nouveau round électoral dans un climat de terreur, déclenchant une nouvelle guerre contre le PKK, organisant une véritable chasse aux journalistes.

    La Turquie a connu son plus sanglant attentat, tuant une centaine de participants à une manifestation de l'opposition. Les observateurs de l'OSCE, du Conseil de l'Europe et du Parlement européen ont dénoncé hier « les interventions du pouvoir dans l'autonomie éditoriale des médias et les violences qui ont entravé les capacités des candidats à mener une campagne libre ».

    Mais si, dans l'immédiat, Erdogan a réussi son mauvais coup, il n'est sans doute pas parvenu à éteindre l'aspiration démocratique qui sourd dans la Turquie d'aujourd'hui.

     

     

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