• Grèce : déchaînement sexiste contre les résistances aux memoranda

    09 septembre 2015 | Par yorgos mitralias - Mediapart.fr

    Dans les conditions de la crise paroxystique qui secoue la Grèce, nous assistons au déchaînement d’un sexisme extrêmement violent contre les femmes ! Et en plus, ceci se passe sur la scène politique centrale au vu de tout le monde.

    Nous pensons que ce sexisme extrême et violent qui est en train de prendre les dimensions d’une vraie épidémie, diffère sensiblement du vieux sexisme quotidien qu’on a connu durant un passé récent plus pacifique, avant la présente crise de la dette

    Le cas de la Présidente du Parlement grec, par Sonia Mitralias.

    Figure emblématique et aussi principale victime de cette campagne –car il s’agit d’une vraie campagne- sexiste ultra-violente est la Présidente du Parlement grec Zoé Konstantopoulou. Évidemment, ce n’est pas un hasard que cette campagne sexiste contre elle a redoublé de vulgarité et de violence depuis qu’elle a prise l’initiative de lancer la Commission pour la Vérité sur la Dette Publique grecque et de devenir la figure de proue de l’opposition intransigeante à la soumission du gouvernement Tsipras aux diktats des créditeurs de la Grèce.

    La présidente du Parlement grec brandissant en pleine séance du parlement la première page du journal

    La présidente du Parlement grec brandissant en pleine séance du parlement la première page du journal, qui faisait appel à son mari pour la « museler ».

    Mais, voyons de plus près de quoi il s’agit. Jour après jour depuis au moins 7 mois, toutes les déclarations de la Présidente du Parlement grec sont introduites dans pratiquement tous les grands médias du pays, journaux et chaines de télévision inclues, par les mots/titres « Nouveau délire hier de Zoé ». Cette monotonie des « délires de Zoé » est fréquemment interrompue par des titres gigantesques de la presse dite « populaire » du genre « L’homme de Zoé ne peut-t-il pas la museler ? » ou « Zoé est du domaine du psychiatre ». En pleine campagne électorale pour les élections du 20 septembre, les principales chaines (privées) de télévision ont inventé une « rubrique » spéciale de leurs JT qui, jour après jour, présentent ce qui circule dans le médias sociaux concernant Zoé. Évidemment, il s’agit toujours des caricatures, souvent obscènes, couplées d’images ou des dessins d’elle déformées à volonté, dont l’authenticité n’est pas –évidemment- du tout assurée…

    Mais, il y a plus et pire que tout ça.

    LIRE LA SUITE : http://blogs.mediapart.fr/blog/yorgos-mitralias/090915/grece-dechainement-sexiste-contre-les-resistances-aux-memoranda

    Ce serait une erreur d’attribuer cet « extrême phénomène sexiste » à des comportements phallocratiques individuels dus au hasard ou à des mentalités anachroniques. Il s’agit d’une chasse contemporaine aux sorcières (...)

    Dans l’actuelle Grèce des ruines humaines et sociales, tous ceux qui défendent les bourreaux et leurs politiques inhumaines (médias, partis politiques néolibéraux, politiciens corrompus, centres des pouvoirs plus ou moins occultes, organisations patronales et même le crime organisé) utilisent à fond et comme jamais auparavant le sexisme le plus abject pour briser les femmes qui prennent la tête des luttes contre les politiques d’austérité ou le système-dette, qui osent défendre les migrants, les réfugiés, la nature, les innombrables victimes des politiques barbares en application.

    Ici on a affaire à une stratégie semblable à celle utilisée par le crime organisé pour imposer sa « loi » -la loi du maitre, du maquereau- sur le système d’exploitation des esclaves du sexe, le sex-trafficking.

    Elle consiste à utiliser la peur, la violence, les tortures et même la mise à mort pour briser toute résistance, pour anéantir l’âme et l’esprit, la dignité et l’estime de soi-même pour discipliner le corps des femmes afin qu’elles se soumettent sans conditions pour être sacrifiées sur l’autel de la maximisation des profits du système prostitutionnelle.

    Ceci étant dit, on ne peut qu’être impressionné négativement par l’attitude d’une institution comme le Secrétariat Général pour l’Egalité des Genres du gouvernement Tsipras, supposé défendre toute femme victime d’attaques sexistes, qui est resté totalement impassible devant le véritable lynchage sexiste dont était victime la Présidente du Parlement grec.

    Cette impression négative devient encore plus grande quand on se souvient que la victime de ce lynchage était un personnage public de premier ordre et même une dirigeante du parti (Syriza) dont sont aussi membres…la Secrétaire Générale pour l’Egalite des Genres et le premier ministre Alexis Tsipras !

    Mais les « surprises » édifiantes atteignent un summum quand on apprend que ce même Secrétariat Général s’est empressée de réagir et de condamner l’attaque sexiste d’un quotidien dont la victime était la Roumaine Delia Velculescu qui représente le Fonds Monétaire International et est à la tête de l’actuelle version de la Troïka qui impose ses diktats a la Grèce.

    On s’est arrêté un peu plus sur cette histoire parce qu’elle est emblématique de nos temps néolibéraux.

    Nous pensons que pour défendre effectivement nos droits en tant que genre, il nous faut faire (re)naître un courant féministe radical, qui émergera du combat des femmes contre la très dure réalité sociale de ce début du 21e siècle, contre le système dette et les fondamentalismes patriarcaux de tout genre. ll faut faire (re)naître un courant féministe qui rompt avec le courant féministe identitaire, qui s’intéresse uniquement aux politiques d’identité du genre et nie le rapport de la vie vécue par des millions de femmes en tant que genre avec la lutte de classes, ainsi qu’avec d’autres inégalités et discriminations.

    Conclusion : Le sexisme qui se déchaîne actuellement en Grèce est redoutable car c’est une arme qui sert à diviser les luttes et à anéantir les résistances de toutes et de tous. Elle ne concerne donc pas seulement les femmes, mais nous tous, bien au-delà des frontières grecques …

    Références :

    Voir l’article de Sonia Mitralia Violences contre les femmes : une arme stratégique aux mains du pouvoir et des possédants aux temps de la guerre sociale !

    Voir l’ouvrage majeur de Silvia Federici, « Caliban et la sorcière » aux éditions Entremonde. Silvia Federici est une théoricienne et une militante féministe marxiste.


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