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Après l'euro, un nouveau chantage infligé à la Grèce
Par rozalux dans Europe, (élections) mondialisation, luttes internationales le 29 Janvier 2016 à 17:12Thomas LemahieuVendredi, 29 Janvier, 2016L'HumanitéLa Commission européenne exige du gouvernement Tsipras qu’il protège mieux la « frontière extérieure » de l’Europe. Faute de quoi, le pays pourrait être exclu de l’espace Schengen et transformé de facto en camp de rétention pour les réfugiés qui arrivent par ses îles.
À la Grèce, décidément, rien ne sera épargné. Après le chantage à l’expulsion de la zone euro, voici celui à l’exclusion de l’espace Schengen. « Depuis novembre, la Grèce a commencé à travailler pour respecter les règles de Schengen, mais il est nécessaire qu’elle fasse plus encore », tance Valdis Dombrovskis, le vice-président de la Commission européenne. Même registre, diktats identiques, rhétorique similaire : qu’importent les faucons — Wolfgang Schaüble ou les dirigeants de droite populiste et xénophobe à l’Est —, pourvu qu’on casse la Grèce ! La nature et l’ampleur sans précédent des crises — le fardeau d’une dette publique odieuse et illégitime, ou encore les flux de réfugiés fuyant les guerres en Afrique et au Proche-Orient — ne sont jamais prises en compte. Il n’y a qu’un mot d’ordre, répété à l’envi : « Jamais assez, toujours plus ! »
Des plans sont déjà en préparation
Un nouveau cap a été franchi, mercredi, avec un ultimatum lancé à la Grèce : si, dans les trois mois, les institutions européennes considèrent que le pays ne protège pas mieux la « frontière extérieure » de l’Union européenne, il sera sorti de Schengen et cette « frontière extérieure » se verra déplacée plus au nord.
Derrière la désignation d’un bouc émissaire commode, la procédure qui, ouverte par la Commission, devra être approuvée à la majorité qualifiée au Conseil européen, sert d’abord à entériner les décisions unilatérales des États qui ont d’ores et déjà fermé leurs frontières et qui, désormais, multiplient les mesures inhumaines contre les migrants. « Si nous ne pouvons pas protéger la frontière extérieure de l’UE, la frontière gréco-turque, alors la frontière extérieure de Schengen sera déplacée vers l’Europe centrale », avertit la ministre autrichienne de l’Intérieur, Johanna Mikl-Leitner.
Des plans pour aller dans ce sens sont déjà en préparation. La Slovénie a, par exemple, proposé que les États membres et les institutions européennes participent au « renforcement » de la frontière avec la Macédoine, qui ne fait pas partie de l’espace Schengen et n’est pas membre de l’Union européenne. Dans sa réponse au premier ministre slovène, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, appuie l’idée.
La Grèce a vu débarquer sur ses côtes plus d’un million de réfugiés en 2015 et, malgré les conditions plus difficiles en hiver, près de 70 000 depuis le début de cette année.
Et l’Union européenne, prise en faute sur les politiques d’accueil — sur les 160 000 installations de demandeurs d’asile réparties entre les différents pays, quelques centaines seulement sont effectives —, en échec également face à la Turquie à qui elle a promis 3 milliards d’euros pour « contenir » les réfugiés, paraît ne plus imaginer que leur couper la route au-delà de la Grèce. « Chercher à nous isoler n’est pas constructif, estime en langage diplomatique Olga Gerovassili, la porte-parole du gouvernement grec. La tactique de se renvoyer les responsabilités ne constitue pas une gestion efficace d’un problème de dimension historique, qui réclame une action commune. » Selon son collègue Ioannis Mouzalas, ministre délégué grec aux politiques migratoires, « Schengen est menacé dans toute l’Europe, l’Europe est en danger, l’Europe a peur ». En d’autres termes, ce n’est pas en isolant la Grèce et en la transformant, comme l’a suggéré le Financial Times par exemple, en gigantesque camp de rétention à ciel ouvert contre une promesse d’allègement de la dette, que la situation risque de s’améliorer. « On ne va pas transformer notre pays en une espèce d’Ellis Island de l’Europe », insiste le ministre dans une référence à l’île qui servit, pendant la première moitié du XXe siècle, à trier les migrants vers les États-Unis.
Alors qu’hier matin, au large de l’île de Samos en mer Égée, les corps de treize migrants, dont huit enfants, ont été repêchés par les garde-côtes grecs, le gouvernement Tsipras entend préserver, contre vents et marées, une vocation ouverte et généreuse pour l’Europe.
« Ces derniers jours, des milieux européens extrêmement conservateurs s’efforcent de stigmatiser la Grèce en la présentant comme la source du problème des réfugiés, dénonce Nikos Xydakis, ministre grec des Affaires européennes. La pression exercée sur la Grèce pour changer les conditions de contrôle en mer Égée risque d’accroître le nombre de décès, déjà élevé. Par conséquent, quiconque demande une telle chose devrait avoir l’honnêteté politique de le demander directement, et non de manière détournée, cautionnant ainsi la politique illégale du refoulement. »
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